Title: Éloge du sein des femmes
Author: Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne
Release date: June 17, 2006 [eBook #18610]
Language: French
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Tiré A 602 exemplaires numérotés, savoir:
400 | exemplaires | in-8° | couronne, | papier | vergé. |
150 | — | — | carré, | — | vélin. |
30 | — | — | — | — | chine. |
30 | — | — | — | — | whatman. |
2 | — | — | — | — | peau vélin. |
Ce fut en 1720 que parut à Amsterdam un volume intitulé les Tétons; il formait la troisième partie d'une série où figuraient déjà les Yeux et le Nez; le frontispice ajoutait qu'il y avait là des «ouvrages curieux, galants et badins, composés pour le divertissement d'une certaine dame de qualité, par J. P. N. du C.» Une annonce faite par un libraire hollandais, en 1721, informe le public que l'auteur se proposait de passer successivement en revue «toutes les parties du corps humain;» projet scabreux qu'il n'eut pas le temps d'effectuer ou dont les difficultés l'arrêtèrent. Diverses indications permettaient d'ailleurs d'attribuer la rédaction de ce triple recueil à Étienne Roger, libraire actif, établi à Amsterdam, et qui mettait volontiers la main aux livres qu'il offrait au public. Toutefois les bibliographes les plus accrédités mettent l'œuvre sur le compte de Jean-Pierre-Nicolas Ducommun, dit Véron, dont les initiales cadrent fort bien avec l'énoncé du titre, et qui est l'auteur de diverses pièces de vers (fort médiocres) insérées dans la troisième partie du recueil en question.
Un quart de siècle s'écoula, et le volume mis au jour à Amsterdam reparut avec le titre suivant: Éloge des tétons, ouvrage curieux, galant et badin, en vers et en prose, publié par ***, Francfort, 1746, in-8. En 1775, cet Eloge fut derechef réimprimé sous la rubrique de Cologne, à l'enclume de vérité, 1775; on y joignit diverses pièces amusantes et la Rinomachie ou Combat des nez.
Vers la fin du siècle dernier, vivait à Paris un littérateur médiocre, mais actif, Claude-Francois-Xavier Mercier, surnommé de Compiègne, afin de le distinguer de divers autres Mercier; il était né dans cette ville en 1763. Se trouvant sans ressources pendant les orages de la Révolution, il demanda à sa plume des moyens d'existence; il se fit le vendeur de ses écrits, et il les multiplia rapidement. Il rédigeait, il compilait, il traduisait, il composait en prose et en vers une multitude d'in-18 qui se succédaient avec promptitude et qui portaient souvent l'empreinte de la rapidité avec laquelle ils étaient élaborés. Mercier d'ailleurs, il faut le reconnaître, manquait de goût, et son instruction était fort superficielle. Il a laissé divers écrits dont il est inutile de rappeler les titres, mais qui excitent, à bon droit, les craintes du chaste lecteur; il aimait à traiter des sujets bizarres; il mit en français, en y joignant des additions assez considérables, une facétie de l'Allemand Rodolphe Goclemin, et il les publia sous le titre d'Eloge du pet, dissertation historique, anatomique et philosophique sur son origine, son antiquité, ses vertus, sa figure, les honneurs qu'on lui a rendus chez les peuples anciens et les facéties auxquelles il a donné lieu (1799, in-18). Longtemps oubliés, les petits volumes sortis de l'officine de Mercier trouvent aujourd'hui des amateurs très-disposés à les recueillir; dans le nombre figure l'Eloge du sein des femmes, publié à Paris en 1800; c'est un riffacimiento du volume dont nous avons mentionné trois éditions antérieures. Mais selon son usage, Mercier ne s'est point borné à une simple reproduction; il a supprimé des longueurs, il a ajouté des détails nouveaux, il a inséré des pièces de vers parmi lesquelles il en est d'assez agréables; il a remanié la division du texte original, qui se trouve offrir trois chapitres nouveaux; il a joint à tout ceci une gravure due à un burin peu exercé qui a reproduit gauchement un dessin lourd et maussade. Il eût été facile de trouver sans doute un artiste mieux inspiré.
Le petit volume en question est devenu assez rare, surtout en bon état; nous avons pensé que quelques amateurs feraient bon accueil à une quatrième édition de cet Eloge; ils ne regretteront pas sans doute d'y trouver une sorte d'anthologie de ce que divers poëtes ont dit à propos du sein; nous avons dû nous borner à choisir, car si nous avions voulu tout reproduire, nous aurions grandement dépassé les bornes que nous avons dû nous prescrire; mais nous espérons que nos recherches, dans des volumes assez peu connus parfois, nous auront amenés à mettre la main sur des morceaux gracieux qu'on lira avec plaisir.
Nota. Nous avons supprimé l'épitre dédicatoire de Ducommun, sur l'édition d'Amsterdam, 1720, parce qu'elle n'a rien de neuf, ni de piquant; nous la remplaçons par une petite pièce de vers assez rare et qui vient ici fort à propos, puisqu'elle s'adresse aux dames.
J'avais d'abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint blanc sur le brun, et ces deux chansons de Cl. Marot m'en avaient fourni l'idée:
Mais à quoi bon raisonner simplement sur les couleurs, lorsqu'il y a tant d'autres beautés plus solides chez les femmes! ce serait mal employer son temps, et abuser de la bonté de mes lectrices. Ce n'est donc, ni de vos pieds mignons, ni de vos belles mains potelées, ni de vos yeux brillants, ni de votre joli petit nez, ni des autres parties de votre charmant ensemble, que je veux vous entretenir aujourd'hui. N'appréhendez pas que je puisse vous faire rougir. Je suis de l'avis de Marot, lorsqu'il dit:
Ainsi, pour ne pas vous tenir plus longtemps dans l'incertitude, c'est l'éloge des tétons que je vais faire. Le sujet est beau, il est grand, il a exercé les génies les plus élevés. Le cavalier Marin appelle les tétons des belles, deux tours vivantes d'albâtre, d'où l'amour blesse les amants: il les compare à deux écueils, contre lesquels notre liberté vient faire agréablement naufrage: il les appelle deux mondes de beautés, éclairés par deux beaux soleils, c'est-à-dire les yeux. Un poète français, qui n'est guères moins ingénieux que le cavalier Marin, moins magnifique dans ses peintures, mais plus juste et plus gai, les appelle dans une de ses chansons, deux pommes, et il ajoute:
Cyrano de Bergerac trouve mauvais que les écrivains modernes, qui veulent peindre une beauté parfaite, emploient l'or, l'ivoire, l'azur, le corail, les roses et les lis: il n'a pas plus raison de les tourner en ridicule, parce qu'ils clouent les étoiles dans les yeux des belles, et qu'ils dressent des montagnes de neige à la place de leur sein: en effet, ces expressions pompeuses sont dignes de ces grands objets, et le sein des femmes a des charmes encore au-dessus de ceux de leurs yeux. C'est ce que Cotin nous démontre par des vers sur une belle gorge:
Une belle gorge avait tant d'empire sur le cœur de Boursault, que pour en voir une, à travers la mousseline, il devenait amoureux jusques à la folie. C'est ce que prouvera ce beau fragment d'une lettre qu'il écrivait à son ami Charpentier:
«Je vous ai fait promettre qu'après dîner nous irions ensemble chez la belle brune, avec qui nous jouâmes hier au logis de Mme Deshoulières: je vous dispense de me tenir parole, à moins que vous ne me donniez caution bourgeoise pour la sûreté de ma personne. Ce n'est pas que je doive rien appréhender pour ma liberté. Délivré de la tyrannie d'une blonde qui m'a fait soupirer quinze ou seize mois pour rien, j'ai fait serment de ne tomber de ma vie en de pareilles fautes; mais dans les tems de ma première servitude, il m'est échappé tant de sermens, j'en ai tenu si peu, que je n'ose plus me mettre au hasard de jurer de rien. Je trouvai hier votre brune si bien faite, ses yeux me parurent si brillans, sa bouche si petite, sa gorge, que je ne vis que par les yeux de la foi, est, je crois, si belle, que si vous n'eussiez arraché ma vue de dessus ses charmes, quand vous me fîtes souvenir qu'il était tems de nous en aller, je sentais déjà ce que je sentis la première fois que je commençai d'aimer. Mon cœur, que j'ai fait le gardien de ma franchise, m'a joué tant de tours, que, si tantôt je vous accompagne à la visite que vous avez dessein de rendre, je gage que j'en reviens aussi chargé d'amour, que si on le donnait pro Deo.»
Le même auteur, faisant à sa maîtresse le portrait d'une belle, marque bien expressivement la victoire assurée que remporte une belle gorge sur une âme masculine.
«En vérité, Babet, dit-il, si tu ne reviens bientôt de Bagnolet, tu cours risque de ne pas me trouver constant à ton retour. On me mena hier au bal, où je trouvai une jeune personne qui n'a pas moins de belles qualités que toi. Elle a les cheveux d'un blond cendré, tout-à-fait beau, mais qui n'approche pourtant pas de la couleur des tiens. Elle a le front grand et élevé, mais le tien l'est encore davantage. Ses sourcils qui ne paraissent presque point, parce qu'ils sont blonds, se montrent toutefois assez, pour faire remarquer que leur symétrie est la plus régulière du monde. Ses yeux, qui sont aussi noirs que les tiens sont bleus, sont si bien fendus, qu'ils ne jettent jamais un regard, sans faire une conquête. Ils ont autant de vivacité que les tiens ont de douceur, et ils semblent faits pour prendre de l'amour, comme les tiens pour en donner. On voit sur ses joues une nuance de blanc et d'incarnat si éclatante, qu'il semble qu'elle tienne des mains de l'art un présent qui ne vient que de celles de la nature, qui a pris tant de peine après elle, que, sans toi, qui es son chef-d'œuvre, elle serait le plus beau de tous ses ouvrages. Son nez, qui n'est ni trop grand ni trop petit, est justement comme il le faut, pour avoir beaucoup de ressemblance avec le tien: sa bouche, qui n'est pas si petite que la tienne, est plus petite qu'aucune autre que j'aie jamais vue. Elle a les lèvres si fraîches et si vermeilles, que, depuis ton absence, je n'ai rien envisagé de plus charmant. Ses dents sont si blanches et si bien rangées, que je lui faisais cent contes risibles, pour avoir le plaisir de les voir souvent. Le trou qu'elle a au menton me fait souvenir qu'elle en a encore aux joues, ce qui donne une merveilleuse grâce au reste de son visage. Pour sa gorge, on peut dire:
«Je te jure, Babet, que je n'ai jamais rien vu de si aimable; si mon galérien de cœur, qui n'échappe jamais d'une chaîne que pour tomber dans une autre, ne se contentait de la gloire de tes fers:
N'est-ce pas la jolie gorge de Dorimène qui fait ainsi délirer Sganarelle, lorsqu'il dit:
«Où allez-vous, belle mignonne, chère épouse future de votre époux futur? Eh bien! ma belle, c'est maintenant que nous allons être heureux l'un et l'autre! vous ne serez plus en droit de me rien refuser; je pourrai faire avec vous tout ce qui me plaira, sans que personne s'en scandalise. Vous allez être à moi, depuis la tête jusqu'aux pieds, et je serai le maître de tout! de vos petits yeux éveillés, de votre petit nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de votre petit menton, de vos petits tétons rondelets, de votre, etc. Enfin toute votre personne sera à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai. N'êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne?»
On croira peut-être que ce discours de Sganarelle est une gradation, et que ce qu'il laisse en blanc, est le plus fort objet de sa passion; je le veux bien, mais en ce cas, il a le goût un peu trop terrestre et grossier. Tel est celui de l'auteur des vers suivants, à sa maîtresse, sur un mal de gorge:
Que dira-t-on de la pensée d'un autre auteur qui dit: l'amour ressemble à un jeu de paume; quand une fille se laisse baiser la main, cela vaut quinze; si elle souffre que l'on prenne un baiser sur ses lèvres, cela vaut trente; si elle permet que ce soit sur la gorge, cela vaut quarante-cinq: il ne faut plus qu'un coup, et le jeu est gagné.
Je raconterai l'histoire suivante, parce qu'elle est vraie:
«On a souvent parlé de la force du sang, mais on n'a pas aussi souvent parlé de la gorge; quoi-qu'avec beaucoup de raison, on appelle aujourd'hui les tétons, le boute-en-train. Le fait suivant prouve admirablement leur vertu, qu'on peut nommer de résurrection, et de résurrection de la chair. Dans la plupart des églises papistes où la superstition était dominante, il se faisait des cérémonies tout à fait extravagantes. La ville de... était un des plus fameux théâtres de ces représentations de mystères ridiculement fanatiques. C'était une coutume établie de temps immémorial, de représenter chaque année, dans la semaine sainte, les mystères de la passion. Pour aller au solide, sans s'amuser à la bagatelle, on ne manquait pas, le jour du vendredi saint, d'offrir aux dévots spectateurs une scène burlesque du crucifiement du Sauveur du monde. On choisissait pour cela un jeune homme de la ville, auquel on faisait porter une croix fort pesante, à laquelle on l'attachait avec des cordes au lieu de clous, et dans une nudité presque complète. Je dis presque, parce que l'impudeur n'était pas encore parvenue au point de dévoiler certaines parties qui doivent être cachées. On les voila donc chez notre jeune homme avec une ceinture de papier. Il faut remarquer que le jouvenceau était le corps du monde le mieux formé, le plus vigoureux en apparence, et de la plus belle carrure d'épaules. Et que la même coutume faisait choisir entre les plus belles filles de la ville, trois tendrons qu'on aurait pris pour des Vénus, pour représenter les trois Maries pleurantes au pied de la croix. On n'avait pas seulement égard aux traits réguliers du visage, ni à la finesse de la taille, on voulait qu'elles fussent encore richement pourvues du grand mobile de la tendresse, je veux dire fournies de tétons à l'Anglaise, que l'on laissait en pleine liberté d'émouvoir la copie du Christ. Or, l'année où se passa le fait que je raconte, le choix fut si bon (les prêtres se connaissent en attraits) que l'on mit sous la croix, dans le beau désordre de la douleur, les trois filles les plus ravissantes. On eût pris chacune d'elle pour Vénus, ou toutes trois pour les Grâces. Elles ne furent pas plutôt sous les yeux du crucifié, qu'elles firent miracle, je veux dire que, malgré la situation où il était, et la majesté de son personnage, les trois Maries produisirent l'effet le plus étonnant que puisse peindre la chronique scandaleuse. Notre Hercule galant, posté à l'avantage, avait en perspective une demi-douzaine de tétons capables, par leur systole et leur diastole, de subjuguer la vertu du plus froid anachorète, ce qui occasionna un incident très-comique et très-profane, car le crucifié, au lieu de prononcer du haut de sa croix des paroles dignes de celui qu'il représentait, prononça des turpitudes dignes de l'abolition éternelle d'une cérémonie aussi indécente, et telles en un mot qu'on peut les deviner. Enfin, n'y pouvant plus tenir, il ne put s'empêcher de crier: «Otez donc de devant mes yeux les trois Maries, ou le papier va crever.» Le scandale que fit naître une telle action, et des paroles qui compromettaient à ce point la religion, firent rentrer l'archevêque en lui-même, et lui firent comprendre qu'elles l'exposaient à la risée publique. Il supprima donc un usage, ou plutôt un abus qui tendait directement au mépris du culte, de manière qu'il n'en fut plus parlé depuis[1].
Un peintre peut venir à bout de représenter aux yeux toutes les grâces d'un beau visage. Il échoue ordinairement, quand il essaye de peindre une belle gorge. La Motte en pourrait être une preuve dans le portrait suivant:
La pièce suivante prouve que la gorge des mortelles est digne de plus d'amour et d'admiration que celle des déesses même, et que ces dernières en conviennent, ce qui est plus extraordinaire encore:
Il n'est donc plus étonnant qu'en traduisant l'inimitable Anacréon, un de nos poëtes français ait dit:
Le Poëte sans fard a trouvé fort bon ce souhait, et l'a développé de cette manière:
Un poëte anacréontique du dix-neuvième siècle, non moins grand admirateur de cette belle portion des charmes du sexe qui fait tourner la tête au nôtre, exprime ainsi le même souhait, d'être changé en rose[2]:
Le plaisant et érotique Le Pays, dans la lettre suivante adressée à sa Caliste, souhaite aussi de mourir sur son sein:
«Quand je sortis hier de chez vous, j'en sortis avec une bonne résolution de m'aller tuer, afin d'avoir l'honneur de vous plaire une fois en ma vie, et de vous défaire pour jamais d'une personne incommode; mais jusques ici je n'ai pas exécuté mon dessein, à cause de l'embarras où je me suis trouvé à choisir un genre de mort. J'eus d'abord envie d'imiter feu Céladon, d'amoureuse mémoire, et de m'aller précipiter dans la rivière; mais j'eus peur que l'eau ne me rejetât sur les bords, aussi bien que lui, et que je ne fusse recueilli par quelques nymphes pitoyables qui, malgré moi, me sauvassent la vie. Il me prit aussi fantaisie de m'aller pendre à votre porte, à l'imitation du pendart Iphis; mais je m'imaginai que ce seroit vous déshonorer que de faire un gibet de votre porte; outre que c'est un genre de mort pour lequel j'ai eu de l'aversion dès le temps que j'étois petit enfant. Je pensai aussi à m'empoisonner, mais je crus que du poison ne seroit pas capable de m'ôter la vie, non plus qu'à Mithridate, à cause de la grande habitude que j'en ai faite. N'étant pas mort depuis si longtemps que je me nourris de crainte, de chagrin, d'inquiétude et de désespoir, qui sont les poisons du monde les plus violents, apparemment je ne pourrois pas mourir pour prendre de l'arsenic ou de l'antimoine. Je n'oubliai pas aussi qu'un poignard mis dans le sein étoit un bon expédient pour mourir: mais je crus que je ne devois pas choisir ce genre de mort qu'avoit choisi une femme qui mourut de regret d'avoir fait une chose que je meurs de regret de ne pouvoir faire. Mon désespoir est trop différent de celui de Lucrèce, pour ne pas mourir d'une mort différente. Enfin, Caliste, j'ai passé la nuit à chercher sans pouvoir trouver la mort dont je devois mourir. Au reste, ne croyez pas que ce soit la mort qui m'étonne, ce n'est que la manière de mourir qui m'inquiète: car, pour vous dire le vrai, après avoir vécu avec tant de chagrin, je voudrois bien mourir d'une mort qui me donnât un peu de plaisir. Je viens de penser à une qui seroit très-bien mon affaire: ce seroit, Caliste, de mourir entre vos bras, pâmé sur votre sein. Je sens bien en mon cœur que je n'ai pas d'horreur pour cette mort comme pour se noyer, s'empoisonner, se pendre ou se poignarder. Obligez-moi donc en me laissant mourir de cette sorte; car, puisqu'enfin vous voulez que je meure, que vous importe que ce soit de douleur ou de plaisir?»
Je serais tenté de croire qu'il y a, dans le charme attaché à une belle gorge, un talisman, de la magie et de l'enchantement; ce qui pourtant détruit cette idée, c'est le sonnet suivant, adressé à des belles qui demandaient un secret, un sortilége et des paroles magiques pour se faire aimer:
Avant de déterminer la forme et les qualités qui rendent une gorge parfaite, examinons en quoi consiste la beauté d'une femme. Il faut, dit-on, qu'elle réunisse les trente points suivants:
On a dit qu'Hélène réunissait ces trente points. Franciscus Corniger les a mis en dix-huit vers latins. Vincentio Calmeta les a aussi mis en vers italiens qui commencent par Dolce Flaminia.
Voici ceux de François Corniger:
En voici la traduction, que rapporte un vieux livre français intitulé: De la louange et beauté des Dames.
L'auteur du Procès et amples examinations sur la vie de Carême-Prenant, etc., dit qu'une belle femme se compose des beautés de divers pays.
Les trois quatrains ci-dessus sont tirés du Momus Redivivus, t. II, p. 30 et 31, publié par Mercier de Compiègne, qui, lui-même, les a pris dans l'ouvrage cité plus haut.
Le plus galant des troubadours français, le célèbre Marot, nous instruit particulièrement de la beauté des tétons dans l'épigramme suivante:
Nous croyons faire plaisir au lecteur en mettant à la suite de la pièce de Marot celle de Guichard, qui lui sert de réponse.
Benserade a rivalisé avec Marot dans l'apothéose des beaux tétons; car quel poëte ne les a pas chantés! et voici la belle définition qu'il en donne dans un sonnet:
La blancheur, la rondeur et la fermeté sont donc trois qualités essentiellement requises pour mériter aux tétons le nom de beaux. Marot, qui était connaisseur dans cette sorte de friandise, les aimait ronds, comme on le voit dans ces vers, qui renferment des conseils sur le choix d'une maîtresse.
Marot le prouve encore par ce rondeau:
Bois-Robert, né à Caen, en 1592, a aussi chanté le sein dans les stances suivantes:
Charles Cotin nous fait voir dans le sonnet suivant sur les tétons, qu'ils doivent être fermes, ronds, et bien écartés l'un de l'autre.
M. Le Pays paraît être du même goût, quand il dit à son Iris, dans le portrait qu'il fait d'elle:
«Votre gorge semble avoir été faite au tour; et l'on peut dire que c'est une beauté achevée. Votre sein est digne de votre gorge; il est blanc, gras et potelé. Les deux petits globes qui le composent ne sont éloignez que de deux doigts, et cependant je suis assuré que de leur vie ils ne se sont baisez, quoi qu'ils soient frères, et qu'ils deussent bien s'aimer, si la ressemblance fait l'amitié.»
L'auteur de la chanson picarde, qui commence par ces mots: Ton himeur est, Catherene, les aimait aussi avec cette qualité; il fait dire à l'amant:
Une belle gorge étant la meilleure recommandation que puisse avoir une femme, elle ne saurait trop la voiler pour la garantir du hâle; car il en est peu de privilégiées aujourd'hui à qui l'on puisse adresser ce madrigal:
La Puce de Mme des Roches, Paris, 1583, in-4o; 1610, in-8o. Réimprimé, 1868, Paris, Jouaust, petit in-8o.
On sait quelle fut l'origine de ce recueil. La haute société de Poitiers s'honorait alors de deux dames appartenant à la race des Précieuses, de Molière, c'étaient Mme des Roches et sa fille Catherine. Poëtes elles-mêmes, mais dans une mesure très-restreinte, elles réunissaient autour d'elles une société de beaux esprits. Les Grands-Jours, tenus à Poitiers en 1579, amenèrent autour de ces dames tous les magistrats que cette solennité avait appelés dans cette ville. Un jour, Étienne Pasquier aperçut une puce qui s'était «parquée au beau milieu du sein» de Mlle des Roches; il fit remarquer la témérité de l'animal; il s'ensuivit quelques propos badins; l'incident provoqua d'abord l'échange de deux pièces de vers entre Pasquier et Mlle des Roches; les savants magistrats, prenant fait et cause, se mirent à célébrer la puce en français, en latin, en espagnol, en grec même. Pasquier recueillit ces divers morceaux; de là vint le volume qui devait avoir pour titre: la Puce de Mlle des Roches, car ce ne fut pas madame sa mère qui fut l'héroïne de l'aventure. L'uniformité du sujet donne à ces compositions une teinte de monotonie, mais la forme en est toujours agréable, et on y trouve de gracieux détails. L'éditeur de 1868 a suivi le texte de l'édition de 1610, en notant les principales variantes (les préfaces des deux éditions sont tout à fait différentes); il s'est borné à reproduire les pièces françaises.
Nous nous contenterons de citer la pièce ci-dessous, d'Étienne Pasquier. Elle résume à elle seule tout ce que les autres poëtes en ont pu dire.
Il existe un poëme allégorique et moral, intitulé: Architrenius, publié à Paris en 1517, in-4o, et dont l'auteur, Jean d'Hanteville ou d'Hanville, était un moine qui vivait à la fin du douzième siècle. Ce bon religieux mettait, dans ses vers, sans y entendre malice, des traits un peu vifs; il se plaît, par exemple, à tracer le portrait d'une jeune beauté; un passage est relatif au sein, il tombe dans notre domaine:
Nous avons sous les yeux une traduction inédite de ce fragment:
«Tel qu'une graine vermeille de raisin, un petit tetin, frais et poli, s'élève mollement sur un sein arrondi, et la couleur de rose contraste avec cette touffe de lys. Ces deux globes charmants sont grossis par l'effet de leur jeunesse, et non par le lait qui ne les a pas encore remplis. Un léger nœud de ruban les serre sans en comprimer la fermeté. Elevés au milieu d'une surface plane, ces monticules font voir au milieu d'eux comme un vallon.»
LES DÉLICES DE LA POÉSIE GALANTE. Paris, Ribou, 1666, in-12.
Cette pièce étant un peu longue et assez médiocre, nous n'en reproduirons qu'un fragment:
Louis XV demanda un jour à Bouret, secrétaire du cabinet, comment il trouvait la dauphine et si elle avait de la gorge. Il répondit que Marie-Antoinette était charmante de figure et qu'elle avait de beaux yeux. «Ce n'est pas cela dont je vous parle, répondit Sa Majesté, je vous demande si elle a de la gorge.—Sire, je n'ai pas pris la liberté de porter mes regards jusque-là.—Vous êtes un sot, continua le monarque en riant, c'est la première chose qu'on regarde aux femmes.»
Les tétons des belles sont deux tours vivantes d'albâtres d'où l'Amour blesse les amants. Ce sont deux écueils contre lesquels nos libertés vont agréablement faire naufrage; deux mondes de beauté éclairés par deux beaux soleils qui sont les yeux. Un auteur français les compare à deux pommes et s'écrie:
Au commencement du XVIIIe siècle, les dames portaient sur leur gorge découverte des croix et des petits Saint-Esprit en diamants. Aussi, un prédicateur s'écria-t-il un jour en chaire: «Bon Dieu! peut-on plus mal placer la croix qui représente la mortification, et le Saint-Esprit, auteur de toutes bonnes pensées.»
Voici une pièce manuscrite attribuée à Voisenon; j'ignore si elle a été imprimée, mais comme elle est peu connue, les lecteurs seront sans doute charmés de la trouver ici.
Je n'ai pas envie de déterminer positivement ici de quelle taille doivent être les tétons, ni prendre parti dans le différend qui pourrait s'élever sur la longueur, la largeur et la distance de ces deux parties du corps des belles; je dirai seulement que si les hommes ont raison de donner la préférence aux plus gros, d'autres n'ont pas tort de préférer un sein qui n'est pas fort garni. Il faut croire, sur ce point, que Le Pays parlait sérieusement et sans flatterie à sa Caliste, lorsqu'il s'exprimait ainsi:
«Votre sein n'est pas des plus remplis, mais ce que vous en avez est blanc; et, s'il m'est permis de le dire comme je le pense, le morceau, pour être petit, ne laisse pas d'être délicat.»
Une chose au moins que je puis avancer hardiment, c'est qu'une femme ne saurait être belle, si elle n'a une belle gorge et un beau sein. Aussi voyons-nous que de tous les faiseurs de portraits, aucun n'oublie les tétons, quand il veut peindre une beauté parfaite.
M. Victor Cousin, dans son ouvrage sur Mme de Longueville, parle à diverses reprises de l'objet qui nous occupe. Décrit-il (t. Ier, p. 321) un portrait de la duchesse par Anselme van Hull, il observe que «le sein à demi-découvert, paraît dans sa beauté modeste.» A-t-il l'occasion de retracer les traits d'Anne d'Autriche, de la duchesse de Chevreuse, de Mme de Montbazon, il n'oublie pas de vanter la perfection de leur gorge. Le philosophe éclectique, le traducteur de Platon, l'éditeur de l'infortuné Abailard, était connaisseur.
La solution de ce problème présente de grandes difficultés, et pourrait être la matière d'une longue et savante dissertation; mais les longs ouvrages me font peur:
Molière fait dire au Tartuffe, qu'un sein découvert blesse l'âme, et fait naître de coupables pensées. Le petit-père André se récriait là-dessus avec beaucoup de zèle dans un de ses sermons: «Quand vous voyez, disait-il, ces tétons rebondis et qui se montrent avec tant d'impudence, bandez, messieurs, bandez-vous les yeux.» Un autre prédicateur turlupin, si ce n'est pas le même, défendait aux filles de découvrir leurs seins, et d'en laisser approcher la main entreprenante des amants; «car, disait-il pour terminer une violente sortie «quand la Hollande est prise, adieu les Pays-Bas.» Il faisait, par ce mot de Hollande, allusion au fichu de batiste ou de toile de Hollande qui couvrait alors le sein de nos belles, un peu plus que leur gaze très-claire ne le fait aujourd'hui.
On trouve dans le Cabinet satyrique, les vers suivants:
Je ne prétends pas m'ériger en casuiste pour décider si les femmes peuvent et doivent montrer leur sein; mais quand je pourrais prouver, d'une manière péremptoire, qu'il est plus à propos que les femmes se le couvrent, je ne sais si j'aurais le courage de l'entreprendre. Je vois, d'un côté, tous les amants déchaînés contre moi, si je m'oppose ainsi à leurs plaisirs; et, d'un autre côté, toutes nos élégantes, furieuses de me voir condamner une mode qu'elles suivent presque généralement. Je citerai donc seulement ces vers de Mercier de Compiègne, qui me paraissent justes. Il dit, en parlant aux auteurs, au sujet du poëme de la Guerre des Dieux, dans lequel Parny s'égaye sur les tétons de la sainte Vierge, et ne gaze pas assez ses tableaux:
Voici les vers auxquels Mercier fait allusion:
Le Pays est pour la mode qui trotte, quand il parle de cet air à sa Margoton:
«J'ai un nouvel avis à vous donner sur ce que je vis hier que vous teniez vos petits tétons enfermez aussi exactement qu'une religieuse. Vous avez tort, Margoton, de tenir ainsi en prison deux jeunes innocens qui n'ont point encore commis de crime. Je vous assure qu'ils souffrent cette clôture à contrecœur. Malgré le linge qui les resserre, j'ai remarqué qu'ils en soupirent de tristesse, et qu'ils en sont tout enflés de colère. A cause que vous êtes sage de bonne heure, vous voulez peut-être qu'ils vous imitent; mais ne savez-vous pas qu'ils sont plus jeunes que vous: que vous avez quatorze ans, qu'ils n'ont que quatorze mois; et qu'ainsi, quand vous seriez déjà sérieuse, il leur seroit permis de faire encore les badins? Lorsque vous n'étiez pas plus âgée qu'ils le sont présentement, votre nourrice n'avoit point de honte de vous montrer toute nue; pourquoi en auriez-vous donc de nous montrer à nud deux jeunes enfans qui ne sont jamais si beaux que quand ils sont découverts? N'est-ce point que la tante qui vous gouverne a peur que, si vous les laissiez sans contrainte, ils n'usassent mal de leur liberté, et qu'ils ne l'employassent à attaquer la nôtre? Si c'est pour cette raison qu'elle vous les fait couvrir si soigneusement, elle devroit aussi vous obliger à cacher vos yeux et vos autres appas, puisque vous n'en avez aucun qui ne dérobe tous les jours quelque cœur ou quelque liberté. Mais je veux lui apprendre que vos tétons en deviendront plus malicieux, plus ils seront enfermés. Car si, dans leur prison, ils découvrent quelque trou par où ils puissent voir le jour, ils se mettront là en sentinelle, pour assassiner le premier homme qui les regardera: si bien qu'on fera mieux de leur donner liberté toute entière; car alors on s'apprivoisera avec eux tout de bon, ils en deviendront moins dangereux.»
Louis XIII ne fut point de cet avis, lui qui ne pouvait souffrir la vue d'un sein découvert, ainsi qu'on en peut juger par l'anecdote suivante:
Chacun sait que Louis XIII était impuissant ou à peu près. Un conseil de médecins, après l'avoir visité, déclara que jamais postérité ne sortirait de lui. Aussi, ce fils atrabilaire d'un père si galant, haïssait le sexe en général. Les femmes lui inspiraient un éloignement qui tenait de l'aversion. La vue d'un sein même jeune, frais et ferme le dégoûtait. Il ressentait le même dégoût et presque de l'effroi à la vue d'autres charmes plus secrets. Chez lui, la nature ne se taisait pas seulement à leur approche, elle se révoltait. De là cette réputation de chasteté que les courtisans ont faite à ce monarque; de là l'infécondité d'Anne d'Autriche après dix années de mariage, et le délaissement déplorable de cette voluptueuse princesse.
L'inclination que Louis XIII éprouva pour Mlle d'Hautefort ne dément point cette assertion; elle l'appuie au contraire d'un sensible témoignage. Louis s'était attaché à cette jeune personne parce qu'elle était organisée comme lui. Elle ne laissait voir aucune des faiblesses naturelles aux dames. Un écrivain ingénieux a dit que Louis XIII n'était amoureux que depuis la ceinture jusqu'en haut, et que ses amours étaient vierges. Cette pruderie était poussée si loin qu'elle donna lieu à une impolitesse qui trouve naturellement sa place ici. Dans un voyage que fit Louis XIII, il s'arrêta à Poitiers. Il y eut un grand couvert; on recherchait avidement alors ces exhibitions de souverain, comparables à celles des ménageries, sauf l'argent donné à la porte. Une jeune spectatrice de l'appétit royal avait le sein découvert; Louis XIII, ayant arrêté un moment sa vue sur cette indignité, enfonça son chapeau sur ses yeux et les tint baissés pendant tout le reste du dîner. Jusque-là ce n'était que de la chasteté, voici quelque chose de plus. La dernière fois que le prince pudibond but, il retint une gorgée de vin dans sa bouche, puis, visant en chasseur habile, lança cette réserve sur les appas indiscrètement exposés. La pauvre fille, dégouttante du liquide projectile, sortit toute confuse et s'évanouit dans la pièce voisine. Un écrivain jésuite, le père Barri, en rapportant cette anecdote, assure que «cette gorge découverte méritait bien cette gorgée.» Jeu de mots pitoyable, qui ne persuadera point qu'un souverain, encore même que ce ne soit pas tout à fait un homme, puisse se conduire de la sorte avec une femme.
On trouve le quatrain suivant, dans un livre fort rare, intitulé: Procès et amples examinations sur la vie de Carême-Prenant, et dans le Momus Redivivus, que j'ai déjà cités:
Claude de Pontoux, poëte et médecin, né en 1530, à Châlons-sur-Saône, n'a guère chanté que l'amour. Il nous a laissé une chanson que nous rapportons ici parce qu'elle est relative au sujet que nous traitons:
Charles Cotin soutient, dans les jolis vers suivants, que c'est une précaution inutile que de cacher les tétons.
Montreuil semble épouser le parti contraire, lorsqu'il fait le reproche suivant à sa maîtresse:
Boursault trouve que les tétons des belles sont très-bien, quand ils ne sont ni trop cachés, ni trop découverts. Il s'exprime ainsi dans une lettre où il fait à Mlle de Beaumont le portrait de sa maîtresse, qu'il nomme Climène: «Climène a les cheveux aussi noirs que vous les avez blonds; et, comme vous les avez du plus beau blond qui ait jamais été, elle les a du plus beau noir du monde. Elle a le front assez grand, assez élevé, pour être admirablement beau; et les sourcils qui sont au bas sont si noirs, et la symétrie en est si délicate, que pour les arranger avec tant de justesse, il semble que la nature ait emprunté les mains de l'art. Ses yeux ravissent la franchise, quand ils ont toute leur vivacité, et touchent l'âme, quand ils ont toute leur langueur. Son nez, qui passe pour un peu gros parmi ceux qui ne s'y connoissent pas, passe pour tout à fait beau parmi ceux qui s'y connoissent. Ses joues inspirent de l'amour, quand elles ont de la rougeur; et, quand elles n'en ont point, elles donnent de la tendresse. C'est dommage que sa bouche soit si petite, parce qu'il en sortiroit en foule toutes les bonnes choses qui n'en sortent que l'une après l'autre, à cause des limites du passage; et si j'osois me servir du mot précieux d'ameublement de bouche, pour dire ce que je pense de ses dents, je vous protesterois qu'il n'y en a jamais eu de plus riche que le sien. Elle a les lèvres d'une couleur fort vive, et elle ne les mord jamais. Son menton passeroit pour impertinent, s'il avoit l'audace d'être laid, et de se mêler avec toutes les beautés qui sont sur un si charmant visage. Le point dont elle se couvre la gorge, est assez raisonnable pour en laisser voir assez peu, pour ne point causer de desirs qui blessent le respect que l'on doit à Climène: et toutefois il en montre assez pour donner envie de voir le reste. Tout le défaut qu'elle a, cette gorge, c'est qu'elle est aussi dure que son cœur. Au reste, malgré la peine que lui cause un amour qui la chagrine, et qui la rend plus maigre qu'elle ne devroit l'être, elle a les mains si belles, que je ne suis jamais si ravi que lorsqu'elle m'en donne des soufflets, etc., etc.»
Marot, dans cette épigramme sur Barbe et sur Jacquette, prétend que le sein, couvert ou non, fait la même impression sur les cœurs.
La meilleure raison qui puisse excuser les femmes qui découvrent leur sein, c'est qu'il y a longtemps que cela se pratique ainsi; or, une ancienne coutume passe pour une loi parmi les jurisconsultes. D'ailleurs, elles tiennent pour maxime qu'il suffit à une femme d'être chaste de la ceinture en bas. Cependant je doute fort que cette dernière raison prévalût, quand même on n'aurait pas lu ces vers sur une femme trop libre dans ses discours:
Enfin, je suppose, et j'avoue si l'on veut, que les dames ont la liberté de mettre leurs tétons au jour pour vous proposer un autre cas. S'il est permis de les voir, n'aurons-nous pas aussi la permission de les toucher? La main et la bouche ne peuvent-elles pas avoir le même privilège que la vue? Vous m'allez répondre que non: tous les amants sont cependant d'un autre avis, hormis Scarron et fort peu d'autres. Ce sale et burlesque auteur, dans son épître chagrine au maréchal d'Albert, déclare que
Dans son Roman comique, il condamne encore Ragotin, d'avoir voulu un peu patiner, et il dit que c'est une galanterie provinciale qui tient plus du satyre que de l'honnête homme. J'appelle de ses décisions. Peut-on blâmer le procédé d'un galant homme, qui, voyant un sein charmant, deux globes d'albâtre, voudrait, par le tact, s'assurer s'ils ont la dureté désirable, et cela uniquement pour s'instruire? J'approuve le procédé d'un homme galant qui, après avoir patiné les tétons d'une dame, improvisa encore cette chanson par-dessus le marché:
N'est-ce pas, en effet, une cruauté inouie de nous mettre devant les yeux ces beaux meubles, et de nous défendre de les regarder et d'y toucher? J'en prends le galant abbé Cotin à témoin; écoutez-le se plaindre à sa maîtresse:
C'est, hélas! nous faire éprouver l'affreux supplice de Tantale; c'est nous condamner à la mort de Moyse, qui expira en voyant la terre promise, et qui n'y put entrer. Un autre poëte qui n'avait pu commander à ses mains, se justifia de cette distraction, avec beaucoup d'esprit, par la pièce suivante:
Si, par hasard, la main s'égare dans le transport que fait naître une gorge rivale de celle de Léda ou d'Hébé, après que l'on a fait le serment d'être circonspect, croyez-vous que ce parjure soit irrémissible? Non, sans doute; ces sermens ne lient pas; je suis persuadé que Jupiter a absous l'amant qui va parler:
Je sais bon gré à Boursault d'être pour les patineurs.
«Ah! juste Dieu, dit-il à M. Charpentier, que la maîtresse à qui je ne suis que par votre moyen est vertueuse! Pour lui avoir aujourd'hui baisé deux ou trois fois la main, elle m'a vigoureusement querellé; voyez ce qui m'arriveroit, si je faisois pis. Je n'ai osé lui dire que je ne faisois l'amour que pour baiser, et que j'aimerais autant être amoureux ad honores, que de ne pas faire les fonctions requises à la qualité que ses yeux m'ont contraint de prendre. Je croyois, en vérité, qu'étant amant déclaré d'une fille, c'en étoit être plus d'à moitié le mari, et qu'on faisoit toujours quelques pas du côté de l'amour défendu, avant que d'en venir à l'amour permis. A vous dire le vrai, je me lasse d'être amant, s'il n'y a que cela à faire. Il est juste, si j'ai la discrétion de ne rien demander à la belle, qui lui coûte quelque chose, qu'elle ait la complaisance de me laisser prendre ce qui ne lui coûte rien. La charmante Clotilde, que vous connoissez pour avoir autant de vertu que fille du monde, en use d'une façon bien plus galante. Quand, lundi, je revins de la campagne, après deux baisers qu'elle reçut aussi goulûment que je les lui donnois, son fichu qui vint à tomber, m'ayant obligé de couvrir sa gorge de mes deux mains, de peur que d'autres ne la vissent, elle m'en remercia le plus civilement qu'il lui fut possible, et me demanda si je n'avois besoin que de cela. Il n'y a rien qui satisfasse tant, ni qui revienne à si peu de frais.»
«Si vous mettez la main au devant d'une fillette, elle la repoussera vite, et dira: laissez cela. Quand je dis le devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée et un peu malade, coule sa main plus bas, et, venant à l'intersection du corps, s'y avançoit, quand elle lui dit: «Hé! monsieur, que pensez-vous faire?—Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre pays; que vous eussiez les tetins entre les jambes.»
De tout temps le clergé s'escrima en termes plus ou moins crus sur l'indécence de la toilette des femmes. Vers 1700, la duchesse de Bourgogne (Marie-Adélaïde de Savoie) devait tenir un enfant avec Monseigneur; mais au moment de procéder à la cérémonie, l'officiant ne trouva pas que la marraine, qui avait une robe de chasse, se présentât à l'église en habit décent, et le baptême fut remis. Or, veut-on savoir ce qu'on appelle à la cour l'habit décent? Il consiste à se montrer avec la gorge et les épaules entièrement découvertes, la chute des reins bien marquée, les bras nus jusqu'au coude, et un pied de rouge sur le visage. L'habit de chasse cache toutes ces nudités, et les dames le portent sans rouge.... Cependant le curé appelle ce costume indécent.... Il n'y a que manière de s'entendre sur les mots.
On trouve dans les Chroniques de l'Oeil de Bœuf, à l'année 1711, le passage suivant:
«La morale donna le jour de l'an des étrennes de sa façon aux dames de Paris; c'est un ouvrage en 2 volumes in-12, intitulé: De l'abus des nudités de gorge. Je n'aurais jamais cru qu'on pût en écrire si long sur une telle matière; mais elle s'est étendue sous la main de l'auteur. Chaque tentation que cet usage immodeste peut faire naître est traitée dans un chapitre à part, où se déroule une longue énumération de conséquences dont la moindre entraîne le péché mortel; on peut juger des autres. Il faut convenir que les femmes de notre époque accusent le nu d'une manière toute lacédémonienne; point de refuge pour les regards dévots, vainement leur chaste prunelle semble-t-elle dire:
on persiste à le leur montrer: ici, c'est une robe sans ceinture, telle qu'on la met en sautant du lit; là, c'est une gorge débordant du corset complaisant; plus loin, ce sont des bras et des épaules dont la nudité se réunit à celle des poitrines pour assaillir les continences ecclésiastiques. Forcé dans les derniers retranchements de sa pudeur sacrée, le curé de Saint-Étienne-du-Mont s'écriait l'autre jour en chaire:
«Pourquoi, mesdames, ne pas vous couvrir en notre présence; sachez que nous sommes de chair et d'os comme les autres hommes!»
L'auditoire s'étant mis à rire, le prédicateur ajouta: «Quand on vous parle à mots couverts, vous faites la sourde oreille; quand on vous parle en termes clairs, vous riez: comment donc vous prendre?
«Vous verrez qu'il faudra que le roi envoie ses mousquetaires par la ville, matin et soir, afin de faire rentrer nos coquettes dans le devoir, et les gorges dans les corsets.»
Les robes des femmes, longues dans les premiers siècles de la monarchie, se raccourcirent sous Philippe de Valois, et restèrent très-fermées jusqu'à Charles VI, et serrées de manière à dessiner les formes de la taille. Alors seulement les femmes commencèrent à se découvrir les bras, la gorge et les épaules, et comme la pente est rapide dans le relâchement des mœurs, elles renouvelèrent sous Charles VII l'antique usage des bracelets et des colliers.
La cour décente et sévère d'Anne de Bretagne arrêta un moment le torrent de ce luxe; mais celles de Charles IX et surtout de Henri III, trop fameux par ses goûts honteux, hâtèrent le débordement; Henri IV, quoique très-galant, s'y opposa vainement. François 1er vint y mettre le comble en favorisant le luxe et la galanterie, et prêchant lui-même d'exemple. La cour de Louis XIV acheva ce que ses prédécesseurs avaient si bien commencé; l'opulence et la volupté y régnèrent souverainement. Nous avons dit plus haut ce qu'on entendait dans cette cour débauchée par habit décent.
Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans parler de cette fameuse secte qui se forma en Hollande et dont Bayle, dans son Dictionnaire critique, au mot Mammillaires, nous instruit fort amplement. Voici, sans y rien changer, cet article qui trouve ici naturellement sa place:
MAMMILLAIRES, secte parmi les anabaptistes. On ne sait pas bien le temps où ce nouveau schisme se forma; mais on donne la ville de Harlem pour le lieu natal de cette subdivision. Elle doit son origine à la liberté qu'un jeune homme se donna de mettre la main au sein d'une fille qu'il aimait, et qu'il voulait épouser. Cet attouchement parvint à la connaissance de l'Église, et là-dessus on délibéra sur les peines que le délinquant devait souffrir; les uns soutinrent qu'il devait être excommunié, les autres dirent que sa faute méritait grâce, et ne voulurent jamais consentir à son excommunication. La dispute s'échauffa de telle sorte qu'il se forma une rupture totale entre les tenans. Ceux qui avaient témoigné de l'indulgence pour le jeune homme furent nommés Mammillaires[7]. En un certain sens, cela fait honneur aux anabaptistes; car c'est une preuve qu'ils portent la sévérité de la morale beaucoup plus loin que ceux que l'on nomme rigoristes dans les Pays-Bas[8]. Je rapporterai à ce propos un certain conte que l'on fait du sieur Labadie.
«Tous ceux qui ont ouï parler de ce personnage savent qu'il recommandait à ses dévots et à ses dévotes quelques exercices spirituels, et qu'il les dressait au recueillement intérieur et à l'oraison mentale. On dit qu'ayant marqué à l'une de ses dévotes un point de méditation, et lui ayant fort recommandé de s'appliquer tout entière pendant quelques heures à ce grand objet, il s'approcha d'elle lors qu'il la crut la plus recueillie, et lui mit la main au sein. Elle le repoussa brusquement, et lui témoigna beaucoup de surprise de ce procédé, et se préparait à lui faire des censures, lorsqu'il la prévint: «Je vois bien, ma fille, lui dit-il sans être déconcerté, et avec un air dévot, que vous êtes encore bien éloignée de la perfection: reconnoissez humblement vôtre foiblesse; demandez pardon à Dieu d'avoir été si peu attentive aux mystères que vous deviez méditer. Si vous y aviez apporté toute l'attention nécessaire, vous ne vous fussiez pas aperçue de ce qu'on faisoit à votre gorge. Mais vous étiez si peu détachée des sens, si peu concentrée avec la Divinité, que vous n'avez pas été un moment à reconnoître que je vous touchois. Je voulois éprouver si votre ferveur dans l'oraison vous élevoit au-dessus de la matière, et vous unissoit au Souverain-Être, la vive source de l'immortalité et de la spiritualité, et je vois avec beaucoup de douleur que vos progrès sont très-petits; vous n'allez que terre à terre. Que cela vous donne de la confusion, ma fille, et vous porte à mieux remplir désormais les saints devoirs de la prière mentale.» On dit que la fille, ayant autant de bon sens que de vertu, ne fut pas moins indignée de ces paroles que de l'action de Labadie, et qu'elle ne voulut plus ouïr parler d'un tel directeur. Je ne garantis point la certitude de tous ces faits, je me contente d'assurer qu'il y a beaucoup d'apparence que quelques-uns de ces dévots si spirituels, qui font espérer qu'une forte méditation ravira l'âme et l'empêchera de s'apercevoir des actions du corps, se proposent de patiner impunément leurs dévotes, et de faire encore pis. C'est de quoi l'on accuse les Molinosistes. En général, il n'y a rien de plus dangereux pour l'esprit que les dévotions trop mystiques et trop quintessenciées, et sans doute le corps y court quelques risques, et plusieurs y veulent bien être trompés.
«J'ai ouï dire que des gens d'esprit soutinrent un jour dans une conversation qu'il n'y aura jamais de Basiaires, ou d'Osculaires, entre les Anabaptistes. Ce seraient des gens qu'on retrancherait de sa communion, parce qu'ils n'auroient pas voulu consentir que l'on excommuniât ceux qui donnent des baisers à leurs maîtresses. Or voici le fondement de ceux qui nioient qu'on puisse attendre un tel schisme. Il n'est pas possible, disoient-ils, qu'au cas qu'il y eût des casuistes assez sévères pour vouloir que l'excommunication fût la peine d'un baiser, comme il s'en est trouvé d'assez rigides pour vouloir faire subir cette pénitence à celui qui avoit touché les tétons de sa maîtresse. Ces deux cas ne sont point pareils. Les lois de la galanterie de certains peuples, continuoient-ils, ont établi de génération en génération, et surtout parmi les personnes du Tiers-État, que les baisers soient presque la première faveur, et que l'attouchement des tétons soit presque la dernière, ou la pénultième. Quand on est élevé sous de tels principes, on ne croit faire, on ne croit souffrir que peu de chose par des baisers, et l'on croit faire ou souffrir beaucoup par le maniement du sein. Ainsi, quoique les administrateurs des lois canoniques ayent fort crié contre le jeune homme qui fut protégé par les Mammillaires, il ne s'en suit pas qu'ils crieroient contre l'autre espèce de galanterie. Ils deféreroient à l'usage, ils pardonneroient des libertés qui ne passent que pour les premiers élémens ou pour l'alphabet des civilités caressantes. Je ne rapporte ces choses que pour faire voir qu'il n'y a point de matière sur quoi la conversation des personnes de mérite ne descende quelquefois. Il n'est pas inutile de faire connoître cette foiblesse des gens d'esprit. En conscience, une telle spéculation méritoit-elle d'être examinée? Et, après tout, n'eût-il pas bien mieux valu ne point répondre décisivement de l'avenir? De futuro contingenti non est quoad nos determinata veritas, disent judicieusement les maîtres dans les écoles de philosophie.
«Notez en passant qu'il y a eu des pays où l'on supposoit que le premier baiser qu'une fille recevoit de son galant était celui des fiançailles. Voici ce qu'on lit dans l'Histoire de Marseille: «Le fiancé donnoit ordinairement un anneau à la fiancée le jour des fiançailles, et lui faisoit encore quelque présent considérable en reconnoissance du baiser qu'il lui donnoit. En effet, Fulco, vicomte de Marseille, fit donation, l'an 1005, à Odile, sa fiancée, pour le premier baiser, de tout le domaine qu'il avoit aux terres de Sixfours, de Cireste, de Soliers, de Cuge et d'Olieres. Cet usage étoit fondé à ce que j'estime sur la loi Si à sponso, qui ordonnoit que lorsque le mariage n'avoit pas son effet, la fiancée gagnoit la moitié des présens qu'elle avoit reçus du fiancé, car les anciens croioient que la pureté d'une fille étoit flétrie par un seul baiser, mais cette loi est présentement abrogée en ce royaume.»
Tous les êtres créés ont un langage, depuis les roseaux du barbier de Midas, jusqu'aux hydrophobes auteurs des plates brochures qui inondent cette capitale.
Le père Bougeant s'est immortalisé par son charmant ouvrage Sur le langage des bêtes, qui a été traduit en italien. Les yeux ont une rhétorique connue de tout le monde. Les mains ont leur idiome; les pieds des amans font merveille dans leur mystérieux quatuor sous la table; les genoux s'en mêlent aussi; les fleurs parlent en Asie; et les cœurs, les cœurs! on sait combien ils sont éloquens, bavards et tyrans. J'en dirais long sur ce chapitre, et l'ami Boufflers, qui a dit de si jolies choses sur le cœur, embellirait bien mon texte. Doit-on être surpris, d'après cela, que les tétons aient aussi reçu de la nature un organe expressif, et des moyens oratoires? Non, sans doute; ils ont une langue, et Le Pays est mon autorité, dans le récit d'un songe qu'il fit sur deux beaux tétons. Il écrit à une dame de ses amies:
«Je n'ai point dormi cette nuit, Madame, ou du moins, le songe que j'ai fait occupoit si sensiblement mon esprit, que j'ai cru veiller en fort bonne compagnie. J'ai cru avoir toujours auprès de moi les deux tétons de Madonte, et les voir avec ce même éclat qui me surprit hier au soir quand votre main obligeante les délivra de la prison qui les enfermoit. Vous pouvez bien croire, Madame, que je n'ai pas gardé le silence dans une si belle occasion de parler: mais, pourrez-vous croire que ces jolis tétons m'ont aussi parlé, et que notre conversation a été fort agréable? Que ceci ne vous surprenne point, les tétons ont, pour ceux qui les entendent, leur langage, aussi bien que les yeux. Comme je les ai trouvez en humeur de causer, j'ai eu la curiosité de leur faire cent questions sur leurs aventures, auxquelles ils m'ont répondu le plus galamment du monde. J'aurois bien envie de vous redire ici tout notre entretien, mais il sera plus aisé de vous l'écrire. Voici pourtant quelques-unes de leurs paroles que j'ai impatience de vous apprendre, parce qu'elles m'ont semblé les plus jolies. C'est la réponse qu'ils m'ont faite sur l'étonnement que je leur ai témoigné qu'ils fussent ainsi séparez, et qu'ayant l'un avec l'autre tant de rapport, ils vécussent en mauvais voisins, sans s'approcher, sans se baiser, enfin comme des ennemis irréconciliables. Il est vrai, m'ont-ils dit, nous sommes ennemis, et la ressemblance ne fait point chez nous ce qu'elle fait partout ailleurs. Elle nous oblige à nous haïr; et notre réciproque jalousie nous tiendra toujours éloignez. Quoique nous n'ayons qu'un même cœur et qu'un même intérêt, nous n'avons aucune disposition à nous unir. L'Amour, qui est un petit boute-feu, nourrit entre nous cette division. Il nous promet de nous aimer tous deux pendant que nous nous haïrons, et jure de nous quitter aussitôt que notre haine cessera. Mais, de bonne foi, aimables tétons, ai-je répliqué, ne seriez-vous point comme quelques-uns de vos frères, qui jamais ne se touchent le jour, et qui se baisent pendant toute la nuit; qui ont inclination à s'approcher, et qui ne vivent éloignez que par contrainte? Vous serez étonnée, Madame, que j'aye osé leur parler d'une manière si désobligeante, mais sachez que ce n'a été que par adresse. Car quoique je n'eusse point de pareils sentimens, je voulois les obliger à m'ôter le doute que je témoignois, en souffrant que mes doigts fussent avec mes yeux témoins de leur division. Ma ruse a réussi comme je l'avois désiré; les deux tétons de Madonte s'étant un peu enflez de colère et d'orgueil, à cause de mon injuste soupçon, ont consenti que je fisse l'épreuve que je souhaitois, et cette épreuve a d'abord fait sentir à mes mains la vérité qui avait paru à mes yeux.
Après cela, je ne me suis plus étonné qu'ils eussent tant de disposition à la haine; car j'ai trouvé tant de dureté dans l'un et dans l'autre, qu'il n'y a pas apparence que rien les puisse jamais attendrir. Au reste, Madame, je gage que votre belle parente ne sait rien de ce qu'ont fait chez moi ses tétons. J'ai appris d'eux-mêmes qu'ils font bien d'autres choses, sans son congé; ils m'ont dit que lorsqu'elle y pense le moins, ils se divertissent à prendre des cœurs, partout où ils trouvent des yeux, et que c'est leur passe-temps le plus ordinaire. Ils m'ont dit même que quand ils ont pris quelqu'un, et que Madonte s'en apperçoit, elle le traite aussi cruellement que si sa prise l'avoit offensée. Elle l'insulte, dans son esclavage, elle ne lui donne aucun secours, et prend plaisir à le voir mourir de langueur.»
Ce Le Pays était un très-rude patineur. Sa Caliste lui avait promis de l'aller voir, dans le tems qu'une cruelle fièvre le travailloit et l'avait mis dans un état pitoyable. Il lui fait premièrement le portrait de son visage de cette sorte:
«Pour ma mine, vous ne vîtes jamais rien de si étrange: mes yeux sont devenus plus grands que tout le reste de mon visage, et il vous sera facile, s'il vous en prend fantaisie, de compter mes dents au travers de la peau de mes joues. Il ne faudra pas vous étonner, si je vous fais froide mine; je la fais à tout le monde, et me la fais à moi-même, quand je me regarde au miroir. Quelqu'envie que j'aye de vous plaire, je ne pourrai point m'empêcher de vous faire laide grimace.» Il ajoute ensuite:
«Ce qu'il y a de bon, Caliste, c'est que mes mains, dont vous vous êtes plainte tant de fois, ne vous donneront aucun sujet de me quereller. Je vous jure qu'en l'humeur où je suis, les tétons de la belle Hélène, qui assurément devoient être des plus beaux, puisqu'ils firent tant jouer des mains les Troyens et les Grecs, ne me feroient pas présentement tirer les miennes de dessous ma fourrure. Jugez, par là, si vous auriez à craindre du reste, et si vous ne vous en irez pas de chez moi sans avoir crié contre mes emportemens!»
Marot avait le même défaut que Le Pays, et ne laissait échapper aucune occasion de mettre ses yeux au bout de ses doigts. Il aurait bien souhaité, un jour des Innocents, de savoir où était le lit de sa belle, pour la faire passer par l'étamine. N'en pouvant venir à bout, il se contenta de lui écrire ces vers:
Après tout, si ce qu'on vient d'alléguer, n'engage point les belles à laisser aux amans les coudées franches et les mains libres, il n'en est pas moins vrai que toutes n'ont pas cette austérité. La Corine du tendre Ovide ne faisait pas tant la renchérie. Elle alla un jour trouver ce poëte dans un équipage très-galant, et dans ce désordre voluptueux qui favorise et provoque si bien la liberté des mains: Ovide lui-même nous l'apprend dans une de ses élégies amoureuses:
O femmes auxquelles il est si difficile d'échapper aux moyens de séductions multipliées contre vous, je pense que la mode que vous avez établie de nous découvrir gratuitement ce que vous avez de plus beau, est un excellent moyen de diminuer nos désirs par l'habitude de voir, et par la satiété; mais si, dans le tête-à-tête, vous voulez conserver toute votre raison, et ne point donner de droits sur vous, en faisant un ingrat ou un inconstant, n'oubliez pas de défendre les jeux de mains, dont les conséquences sont funestes à la vertu; retenez bien le sens de ces vers, que vous vous ferez expliquer avant de rien permettre, et vous me remercierez:
Toutes les gradations de l'audace sont expliquées dans le distique suivant, et toute la tactique de l'amour y est développée:
La chair est faible, l'esprit est prompt. La pudeur a contre elle cinq ennemis terribles, désignés ci-dessus, c'est-à-dire la vue, l'entretien, le toucher, le baiser et le fait. Si vous n'évitez pas le toucher, vous n'éviterez pas le fait. Un amant qui a obtenu un baiser, est un sot s'il reste en chemin; songez-y.
Il est possible que ce chapitre ne plaise pas à toutes les femmes; mais sera-ce leur faute? sera-ce la nôtre? N'y en aura-t-il pas beaucoup qui voudront en appeler de notre jugement? Nous touchons la corde sensible, et nous sommes de plus en plus effrayés des précautions à prendre pour ménager l'amour-propre. Comment un sein doit-il être, pour être laid? Voyons ce qu'en ont dit les différents auteurs qui ont traité cette belle matière. C'est à présent que je sens tout ce qu'a de pénible l'emploi d'historiographe des tétons; que ne puis-je sauter à pied-joints sur ce maudit chapitre! Pourquoi ne marche-t-on pas toujours sur des fleurs dans cette vie? Pourquoi? pourquoi?... Eh, mon Dieu! tous ces pourquoi-là allongeraient mon chapitre; hâtons-nous de glisser sur les difficultés, courons dans une mauvaise route, pour nous reposer et nous rafraîchir, quand nous serons arrivés à son terme.
Je compte d'abord pour laids tétons, ceux d'une taille énorme, par exemple, ceux de Mme de Bouillon, du Roman comique, qui en avait la valeur de vingt livres distribuées à poids égaux sous chaque aisselle.
Ceux de Paquette, à qui Le Pays dit: «Pour votre gorge et vos tétons, ils ne sont pas blancs; mais, certes, il y a de la chair et si les tétons s'achetoient à la livre, vous pourriez vous vanter d'être plus riche que votre maîtresse.»
Le Poëte sans fard drape compétemment une femme, qui avait des tétons aussi gros que des pis de vache. Il lui dit:
Je mets encore au nombre des tétons dégoûtants, ceux qui ressemblent à la suie, comme ceux de Tisiphone: Despréaux, dans son Dialogue des morts, fait ainsi faire à Sapho, l'un des personnages du Grand Cyrus[9], le portrait de cette blonde du royaume de Pluton:
«Vous croyez que je ne connois pas Tisiphone; c'est une de mes meilleures amies. Vous ne serez peut-être pas fâché que je vous en fasse le portrait. L'illustre fille dont j'ai à vous parler, a quelque chose de si furieusement beau, elle est si terriblement agréable, que je suis épouvantablement empêchée, quand il vous en faut faire la description. Elle a les yeux vifs et perçans, petits, bordés d'un certain incarnat qui en relève étrangement l'éclat. Comme elle est naturellement propre, est-elle aussi naturellement négligée; et cette négligence fait qu'on peut voir souvent sa gorge, qui est toute semblable à celle d'une Amazone, à la réserve que les Amazones n'avaient qu'une mamelle brûlée, et que l'aimable Tisiphone les a toutes deux. Ses cheveux sont longs et annelez, et semblent autant de serpenteaux qui se jouent autour de sa tête, et qui se viennent jouer sur son visage.»
De plus, je trouve laids des tétons, quoique beaux, quand la personne qui en est pourvue est trop coquette, ou plutôt impudique. Ce caractère efface toutes les beautés qu'elle pourrait avoir. Telle était la Macette, à laquelle le satyrique Regnier, plutôt par ironie que sérieusement, donne des éloges plaisants, quand il lui dit, pour la louer, que ses cheveux sont aussi dorés qu'une orange, plus frisés qu'un chardon; que le soleil n'est auprès du brillant de ses yeux, qu'un cierge de la Chandeleur, et que sa mine de poupée prend les esprits à la pipée et les appétits à la glu. Ensuite, lui parlant de ses tétons qui ne marquent que de la lascivité, il s'exprime ainsi:
Outre cela, je déclare que des tétons me paraissent laids, quelque bien tournés qu'ils puissent être, quand le sexe les fait servir de prétexte pour être infidèle. Une Cloris dit à une Philis, dans Regnier que je viens de citer:
Pour voir la laideur d'un téton dans toute son étendue, on n'a qu'à lire l'épigramme que voici, faite par Marot, sur le laid tétin:
Bon Dieu! le vilain objet!... hélas! le suivant, peint par Benserade, n'est pas plus gracieux; pourquoi des poëtes se plaisent-ils ainsi à tremper leurs plumes dans l'ordure? c'est qu'il faut des ombres aux tableaux.
Clément Marot et Benserade ne sont pas les seuls qui se soient occupés de décrire les vilains tétons; Rabelais, dans son épître à une vieille, Motin, Regnier, Sygognes, Maynard, se sont plu à nous détailler ces horreurs.
Maynard passant en revue tout le corps d'une vieille ridée, arrivé à ses tétons, s'écrie:
Un peu plus loin, Sygogne, dans sa satyre contre une vieille sorcière, dit:
En voilà assez sur ce sujet peu ragoûtant; nous renvoyons les lecteurs amoureux de ces sortes d'écrits, au Cabinet satyrique; ils trouveront là-dedans de quoi se satisfaire.
Les tétons sont la dernière beauté qui vient au sexe, et la première qui est confisquée: il est peu de ces femmes privilégiées qui les conservent comme Ninon et Gabrielle B.... C'est pour cela qu'elles en ont un soin tout particulier, et qu'elles confient leurs enfants au sein mercenaire des nourrices.
Malgré cela, vingt ans de mariage gâtent les tétons les mieux faits. Ils ne sont pas non plus à l'épreuve de la vieillesse. Comme elle ternit le teint le plus vif, qu'elle éteint les yeux les plus brillants, elle amollit les tétons les plus rebondis. C'est ce que nous apprennent ces stances contre une dame qui avait vieilli à la cour, et qui se voulait marier:
Urbain Chevreau[10], dans ses stances sur une vieille amoureuse, p. 150 de ses poésies, édition de 1656, in-12, décrit ainsi sa gorge:
Antoine Legrand nous démontre le pouvoir des ans d'une manière très-pathétique:
«L'arrière-saison, dit-il, a ses plaisirs: son utilité égale bien les incommodités qu'elle nous apporte. Elle est l'attente des laboureurs, et la récompense des vignerons; si elle dépeuple les campagnes et leurs collines, elle remplit leurs caves de vin, leurs greniers de grains et leurs granges de moissons. Mais, dès qu'une femme approche de la vieillesse, que ses cheveux prennent la couleur des cendres, que les rides sillonnent son front, que ses yeux commencent à jetter de la cire, que ses joues lui tombent sur le menton et que ces deux montagnes de lait deviennent une double besace pleine de sang; elle cesse d'être le souhait des hommes, ses amants en ont horreur: ceux qui la recherchaient auparavant la haïssent.»
Tout le monde connaît la réponse ingénieuse et maligne de Voltaire à une dame qui présumait trop de sa gorge. Deguerle, auteur de l'Eloge des perruques, l'a mise en vers. La voici:
La voici autrement:
Après avoir parlé des femmes qui ont une laide gorge, il est à propos de parler de celles qui n'en ont pas du tout. Un renard pris au piège, au moment où il se propose de croquer une poule, un créancier qui se repaît avec volupté de l'espérance de faire saisir les meubles d'un malheureux débiteur et trouve la maison vide, éprouvent moins d'humeur et de surprise qu'un galant qui, après mille efforts pour découvrir et dévorer de son œil furtif une belle gorge, n'en trouve que la place.
Le citoyen Mercier de Compiègne, auteur de la traduction du Vendangeur, de Rosalie et Gerblois, de Gérard de Velsen, etc., raconte ainsi dans un volume de ses Soirées de l'Automne, la vengeance d'un galant, qui avait éprouvé un pareil échec:
C'est ici qu'il nous faudrait les talents de Tavernier, de Paul Lucas, de Levaillant, de Christophe Colomb, de Bougainville et de Pallas, il faudrait avoir vu tous les pays du monde pour décider quels sont ceux pour lesquels les tétons viennent le mieux, et je n'ai voyagé qu'en Suisse et en Allemagne. J'ai vu à Neufchatel et à Berne les tétons les plus jolis que l'on puisse voir, très-bien apprivoisés, et qui, dans le tête-à-tête, ne se refusaient jamais à l'hommage que les mains voulaient leur rendre.
Le Corrége, l'Albane, le Titien, prirent le type des beautés qu'ils peignirent, dans les Italiennes de leur temps. Rome et son territoire en offrent encore d'éclatants exemples; et, à l'âge du retour, les Romaines ont de superbes épaules. Mais c'est en Sicile et en Toscane, à Florence et à Sienne, même à Venise, que naissent les plus séduisantes beautés de l'Italie; car, dans la Lombardie et le voisinage des Alpes, les formes plus volumineuses et plus massives, sont bien moins enchanteresses. Les belles Françaises vivent surtout vers Avignon, Marseille, et dans l'ancienne Provence, peuplée jadis par une colonie grecque de Phocéens. Plus au nord, le sang des Cauchoises, des Picardes et des Belges est plus beau, et la peau est d'une blancheur plus éclatante, mais il y a certainement moins de finesse dans les contours et de délicatesse dans les formes. A Paris, l'on rencontre en général moins de beautés que de grâces dans la démarche et toutes les manières. Les Marseillaises et la plupart des Languedociennes ont aussi moins de gorge que les Normandes, les Belges, les Suissesses. Les plus grandes beautés de l'Espagne sont dans l'Andalousie et à Cadix: on les dit très-exigeantes en plus d'un genre, capricieuses, et pourtant très-constantes dans leur attachement; elles concilient le dérèglement des mœurs avec l'observance la plus scrupuleuse des devoirs religieux. La ville de Guimanarez et ses environs sont peuplés des plus charmantes Portugaises, la plupart courtes et vives, qui présentent en général beaucoup de gorge, tandis que les Castillanes n'en ont presque pas. Toutes ont ces beaux yeux noirs, cette taille svelte et souple, ce teint pâle, cet air sérieux, dédaigneux même, qui peuvent enflammer les grandes passions, et rebuter les hommages frivoles et vulgaires.
On connaît le teint éblouissant, les traits expressifs, la physionomie fine et touchante des Anglaises; plusieurs ont la gorge et l'élégant corsage des Normandes; elles sont presque toutes blondes, quelquefois même rousses. En Écosse, leur teint devient d'un blanc fade comme aux Hollandaises: mais celles-ci montrent souvent de l'embonpoint, beaucoup de gorge, une carnation pâle et molle. De toutes les Allemandes, les Saxonnes emportent le prix de la beauté; on ne rencontre peut-être pas un laid visage dans le territoire d'Hildesheim; le teint charmant de tous les habitants fait dire en proverbe que les femmes y croissent comme les fleurs. Quoique les Autrichiennes ne soient pas laides, les Hongroises paraissent généralement plus belles; mais, dans toutes les nations germaniques, elles pèchent souvent par un excès d'embonpoint.
A Gratz, en Styrie, une infinité de femmes et de demoiselles ont des amants et en changent publiquement sans qu'on y trouve à redire; cependant elles sont très-dévotes. Les femmes y ont un beau teint blanc, de gros tétons, mais un peu trop massifs.
Plus au nord, les Polonaises méritent d'être remarquées. Elles ont la blancheur mais aussi, dit-on, la froideur de la neige. Les femmes russes sont, au contraire, fort amoureuses, mais l'abus des bains de vapeur, ou plutôt l'atmosphère chaude où elles vivent, rend bientôt mous et flasques tous leurs appas; sous leurs chaudes pelisses elles couvent d'ardentes passions, aussi les accuse-t-on de préférer toujours en amour le physique au moral.
Les Albanaises sont plus agréables que les Morlaques; celles-ci portent une peau tannée, de longues mamelles pendantes, avec un mamelon noir.
On trouve à Dresde, à Leipsik, à Halle, de simples grisettes dont les tétons blancs, rebondis et bien taillés, seraient capables d'orner le sein des reines du monde; la Saxe est surtout le climat où ces dariolettes sont de la meilleure qualité. Il paraît que le sexe de la Souabe est aussi abondamment pourvu de ces attraits, si l'on en doit croire l'apologie qu'a faite d'eux certain étudiant de l'université de Tubingue, et que l'on a trouvée écrite à la tête de son Corpus juris civilis:
Si nous en croyons la comtesse d'Aulnoy, les Espagnoles n'ont point de gorge et n'en veulent point avoir; voici comme elle en parle: «C'est une beauté pour les dames espagnoles de n'avoir point de gorge, et elles prennent de bonne heure des précautions pour l'empêcher de venir. Lorsque le sein commence à paraître, elles mettent dessus de petites plaques de plomb, et se bandent comme les enfants que l'on emmaillote. Il est vrai qu'il s'en faut peu qu'elles n'ayent la gorge aussi unie qu'une feuille de papier, à la réserve des trous que la maigreur y creuse, et ils sont toujours en grand nombre.»
Plaignons l'aveuglement de ces Espagnoles qui outragent la nature, en refusant des bienfaits dont elle est si avare; plaignons aussi ces Françaises que la manie de revêtir les habits d'homme porte tous les jours à détruire ce chef-d'œuvre si gracieux et si attrayant de leur sexe; le délire de cette espèce d'hermaphrodites me fait pitié et m'irrite. Vite, éloignons cette idée affligeante en admirant les beaux tétons de l'Angleterre. Tous les connaisseurs qui ont voyagé dans cette partie de l'Europe s'accordent à dire que la Grande-Bretagne est la mère nourrice des beaux tétons. Voilà ce que Le Pays écrivait de Londres à un de ses amis:
«Ce que nous avons vu de plus qu'à Paris, ç'a été un grand nombre de fort belles femmes, qui sont toutes copieusement partagées de tétons. Comme c'est une marchandise qui est ici à grand marché, et assez précieuse en France, nous avions résolu d'en acheter un bon nombre, et de vous les envoyer tous dans une barque, attachés deux à deux avec du ruban couleur de feu, qui est ici, comme vous savez très-beau et en très-grande abondance. Nous étions persuadés que cette marchandise vous plairait, et que vous seriez bien aise d'en fournir à quantité de vos amies, qui en ont bon besoin, et qui les achèteraient volontiers. Mais comme les commis des Traites foraines ne laissent rien passer sans le visiter, nous avons changé de dessein, sachant fort bien que c'est une marchandise qui se gâte, pour peu qu'on la visite, et qu'ainsi elle auroit bientôt perdu toute sa beauté et tout son éclat quand elle seroit entre vos mains.»
Dans une autre lettre qu'il écrit de la même ville à une dame, il lui donne cette commission:
«Dites à Mme de la L. G. que si elle étoit en Angleterre, elle ne seroit pas la reine des tétons, comme elle l'est à..., puisque les dames de ce royaume en ont qui ne cèdent point aux siens. La différence qu'il y a, c'est qu'on patine les tétons d'Angleterre dès la première connoissance, et sans grande cérémonie; que pour elle, elle ne laisse pas seulement voir les siens après six mois de soins et de services.»
Pavillon, dans un endroit de sa lettre à Mme Pelissari, sur le voyage de sa fille en Angleterre, dit:
«Le défunt pays de Cocagne, de très-heureuse mémoire, ne valoit guère mieux que celui-ci.
Il dit encore dans un autre endroit de la même lettre:
«Nous mènerons au premier jour votre fille à Windsor; c'est un lieu charmant où le bon roi Stuart tient maintenant cour plénière. Elle prétend lui demander un don, qui est la réformation des tétons dans toute l'étendue de son royaume, suivant le modèle qu'elle lui en présentera elle-même. Vous saurez, madame, qu'en tous ces quartiers, la plupart des tétons, sous prétexte qu'ils sont blancs comme neige, n'ont point honte d'aller tout nuds dans les rues, et qui plus est, de se baiser hardiment à la vue de tout le monde, sans crainte de Dieu et des hommes. Les gens du pays pensent que cette réforme sera facile à établir, parce que les tétons de ce territoire étant de leur nature fort dociles, on peut aisément les réduire à en faire tout ce qu'on voudra.»
Avant de finir, je dois encore dire que j'ai vu dans des couvents toutes sortes de beaux tétons; il est vrai que ce n'est que la figure et non la forme. J'y ai trouvé des tétons naissants et des tétons formés, où rien ne manquait que la permission de les voir à découvert et de sentir s'ils étaient durs. Peindrai-je ces touffes de lys et de roses mollement comprimées par la guimpe, ces sphères de neige qui croissaient à l'ombre des autels, et qui ne pouvaient être accessibles qu'aux doigts sacrés du pater et du directeur, ou d'un jardinier discret et charmant? Comme je ne produirais rien de neuf et de piquant dans ces descriptions d'objets que j'ai toujours aimés, et que j'ai très-rarement vus, tels que ma muse les voudrait peindre, je crois plus sage de renvoyer mon lecteur, pour qu'il n'y perde rien, aux friandes peintures qu'en ont faites Voltaire, dans sa Pucelle, Piron, Dorat, et autres poëtes érotiques modernes, et je me borne à dire: vive un sein de couvent!...
Ceci me remet dans l'esprit un sonnet pour une belle personne, à qui les tétons étaient venus depuis qu'elle était religieuse.
Si des Européennes nous passons aux femmes de la race, où plutôt de l'espèce nègre, nous leur trouverons généralement une disposition extrême à la lasciveté et même une conformation particulière dans les organes sexuels. Comme cette espèce d'hommes est moins propre au développement des facultés intellectuelles, elle est aussi plus disposée aux fonctions purement animales, et la plupart des nègres sont bene mutonati. Les négresses paraissent conformées dans la même proportion, de sorte que les européens les trouvent fort larges. Toutes ont, comme on sait, une gorge très-volumineuse, et bientôt molle et pendante, même dans les climats où l'on ne peut pas en accuser la chaleur atmosphérique, comme au nord des États-Unis; mais ce qui surtout les distingue de la race blanche, c'est le prolongement naturel des nymphes, et quelquefois du clitoris, bien moins commun chez les femmes blanches que chez les négresses.
Les femmes cafres, les mieux constituées de toutes les négresses, et les plus fortes, ont un caractère plus ardent et plus viril; les négresses joloffes et mandingues, sans être aussi bien formées, et avec un sein plus tombant, une transpiration d'odeur porracée, paraissent cependant encore agréables dans leur première jeunesse. Leur peau est douce et soyeuse comme le satin. Mais elles déploient une lubricité et des passions inouïes dans nos climats; elles semblent porter dans leur sein enflammé tous les feux de l'Afrique. Pour exciter davantage l'ardeur de l'homme, les Égyptiennes coptes se frottent les parties sexuelles de parfums stimulants, comme d'ambre, de civette et de musc. Aussi, un proverbe des Turcs dit: Prends une blanche pour les yeux; mais pour le plaisir, prends une Égyptienne, ou une négresse.
On convient cependant que les négresses sont excellentes mères; la plupart ont beaucoup de lait; les mamelles des Égyptiennes étaient renommées par leur volume extrême dès le temps de Juvénal:
A la Nouvelle-Hollande, la parure d'une belle Malaie consiste toute en sa peau, étrangement bariolée de piqûres de diverses couleurs, et c'est ce qu'on appelle tatouage; toutes ont soin d'assouplir leur peau par le bain et par l'huile de coco; elles se vêtissent de tissus de feuillage ou d'écorces légères qui ne dérobent point la vue de leurs charmes secrets. Elles n'ont pas toujours la gorge pendante des négresses; elle est même assez petite dans les premiers temps de la puberté.
Ne pensons pas que les négresses soient toujours dépourvues de beauté; elles ont aussi leur prix. On en a vu de fort jeunes, ayant un nez droit et presque aquilin, et avec une figure qui, si nous en exceptons la couleur, n'aurait pas déparé une Européenne: on n'y remarquait point cette vilaine moue des Éthiopiens; l'avancement des joues y était presque insensible, et le sein, parfaitement placé, n'y était pas flasque et pendant, mais d'une agréable rotondité. Considérons ces lèvres d'un rouge éclatant de corail sur un fond d'ébène soyeux, cette petite bouche, qui ressemble à un bouton vermeil et frais de rose, posé sur du velours noir; contemplons cette double rangée de perles brillantes, ces grands et beaux yeux pleins de feu; admirons la douce aménité du visage, cette suavité des formes, cette voluptueuse flexibilité, ce balancement, cette souplesse dégagée de tous les mouvements, bien plus sensible dans les négresses que dans les Européennes; et s'il m'était permis de peindre tant d'autres attraits qui ne sont ordinairement couverts, dans ces esclaves infortunées, que du voile de la simple innocence, à combien de femmes laides, quoique blanches, paraîtraient-elles préférables pour des yeux non prévenus!
Il y a eu deux Phryné, outre celle qui est célèbre par la statue d'or massif qu'elle donna au temple de Jupiter, avec cette inscription: De l'intempérance des Grecs; et les murailles de Thèbes qu'elle avait rebâties. Il ne faut pas confondre cette illustre courtisane grecque avec une autre Phryné que l'on avait surnommée ainsi d'un mot grec, qui signifie crible, parce qu'elle criblait et ruinait ses amants, sans en être plus riche; comme font presque toutes celles que nous voyons aujourd'hui briller sur les mille et un théâtres de notre luxurieuse capitale.
Une troisième (celle dont je veux parler), fut accusée d'impiété par les Athéniens, et traduite devant l'aréopage, pour subir la peine capitale que méritait ce crime. Les juges, impassibles comme la loi, admiraient sans en être émus, les grâces les plus attrayantes, la toilette la plus voluptueusement raffinée, des yeux qui avaient fait tomber aux pieds de la nymphe les personnages les plus distingués, les philosophes, les sages et les chefs de la République. L'auditoire était nombreux. La pitié, le tendre intérêt se peignait sur tous les visages, et rien ne pouvait soustraire la courtisane au supplice; la déposition des nombreux témoins ne laissait plus d'espoir, le crime était avéré, les juges allaient, en gémissant tout bas, prononcer la redoutable sentence; l'avocat de l'accusée avait épuisé toutes les ressources de l'art oratoire, mais toute son éloquence était perdue. Tout à coup une idée lumineuse et hardie, produite par la tentative la plus désespérée, exalte sa tête, et lui fournit un moyen de gagner sa cause. Il découvre brusquement le sein de sa belle cliente, et ce spectacle inattendu a produit dans toute l'assemblée une espèce de délire; on croit voir Vénus elle-même, qui sous les traits d'une mortelle, a quitté Chypre et Amathonte, pour recueillir l'hommage des Grecs, et demander la grâce de l'accusée. La gravité des juges cède au charme vainqueur de l'étonnement, du plaisir et de l'admiration. La bouche ne trouve pas d'expression pour rendre le sentiment, mais le silence et l'avidité des regards, un cri général d'intérêt et de compassion, tout complète le triomphe de Phryné. Elle était suppliante, éplorée, courbée sous le poids de l'improbation: un sein paraît, la chance tourne, elle commande en souveraine, elle asservit tout ce qui porte les yeux sur elle: «Eh bien, ajoute le défenseur, profitant du succès de son stratagème, si elle est coupable, qui de vous, Athéniens, osera condamner à la mort ce que la nature a formé de plus beau? Osez regarder celle dont vous voulez verser le sang, et si vous le pouvez, oubliez que vous êtes hommes.» Il dit, et l'Aréopage, quittant son auguste caractère, a repris unanimement les sentiments d'humanité. Phryné est déclarée innocente, et portée chez elle en triomphe.
Cette manière de justifier n'est pas encore abolie, dit à ce sujet le galant Saint-Evremont; il y a bien de belles femmes, coupables quand on ne les voit pas, qui deviennent innocentes aussitôt, quand on les voit. Souvent même, les juges punissent les femmes pour un certain crime qu'ils voudraient bien avoir commis avec elles.
Ceux de mes lecteurs qui aiment la poésie, liront avec plaisir cette même anecdote, racontée avec plus de grâce par le citoyen Deguerle, déjà cité.
La gorge de Phryné a sans donte servi de modèle au charmant poëte latin, Jérôme Amalthée, dans les vers suivants. L'on ne peut rien ajouter à la délicatesse de cette petite pièce:
La réponse suivante, remplie d'innocence et de naïveté, prouve que les femmes connaissent dès leur plus bas âge, tout le pouvoir de leurs attraits naissants, et que la nature sage et prévoyante a mis en elles un instinct infaillible pour juger de leurs effets. Or, ces effets n'ont lieu que quand leur gorge est à moitié ou tout à fait découverte: nous n'apprendrons jamais aux femmes à tirer parti de leurs charmes.
Anacréon dit que pour être beau, le sein ne doit pas être plus gros que deux œufs de tourterelle; le citoyen Mercier (de Compiègne) t. III des Soirées d'Automne, p. 100, nous donne un tableau gracieux d'une gorge de cette espèce, dans le conte suivant, intitule: la Fraise et l'Oeuf:
Voltaire, dans Zadig, nous donne un exemple charmant de l'éloquence des tétons.
La jeune veuve Almona, sauvée du bûcher par Zadig, lui en avait voué beaucoup de reconnaissance. Zadig, accusé de crimes imaginaires par des ministres jaloux de son influence, fut jugé et condamné à son tour à être brûlé à petit feu. Almona résolut de le tirer de là. Elle roula son dessein dans sa tête, sans en parler à personne. Zadig devait être exécuté le lendemain; elle n'avait que la nuit pour le sauver: voici comme elle s'y pris, en femme charitable et prudente.
Elle se parfuma; elle releva sa beauté par l'ajustement le plus riche et le plus galant, et alla demander une audience secrète au chef des prêtres des étoiles. Quand elle fut devant ce vieillard vénérable, elle lui parla en ces termes: «Fils aîné de la Grande-Ourse, frère du Taureau, cousin du Grand-Chien (c'étaient les titres de ce pontife), je viens vous confier mes scrupules. J'ai bien peur d'avoir commis un péché énorme, en ne me brûlant pas dans le bûcher de mon cher mari. En effet, qu'avais-je à conserver, une chair périssable, et qui est déjà toute flétrie.» En disant ces paroles, elle tira de ses longues manches de soie, ses bras nus d'une forme admirable et d'une blancheur éblouissante. «Vous voyez, dit-elle, le peu que cela vaut.» Le pontife trouva dans son cœur que cela valait beaucoup. Ses yeux le dirent, et sa bouche le confirma; il jura qu'il n'avait vu de sa vie de si beaux bras. «Hélas! lui dit la veuve, les bras peuvent être un peu moins mal que le reste; mais vous m'avouerez que la gorge n'était pas digne de mes attentions.» Alors elle laissa voir le sein le plus charmant que la nature eût jamais formé. Un bouton de rose sur une pomme d'ivoire n'eût paru auprès que de la garance sur du buis, et les agneaux sortant du lavoir auraient semblé d'un jaune brun. Cette gorge, ces grands yeux noirs qui languissaient en brillant doucement d'un feu tendre, ces joues animées de la plus belle pourpre, mêlée au blanc de lait le plus pur, ce nez, qui n'était pas comme la tour du mont Liban, ces lèvres, qui étaient comme deux bordures de corail renfermant les plus belles perles de la mer d'Arabie, tout cela ensemble fit croire au vieillard qu'il avait vingt ans. Il fit, en bégayant, une déclaration tendre. Almona, le voyant enflammé, lui demanda la grâce de Zadig.
«Hélas! dit-il, ma belle dame, quand je vous accorderais sa grâce, mon indulgence ne servirait de rien, il faut qu'elle soit signée de trois autres de mes confrères.—Signez toujours, dit Almona.—Volontiers, dit le prêtre, à condition que vos faveurs seront le prix de ma facilité.—Vous me faites trop d'honneur, dit Almona, ayez seulement pour agréable de venir dans ma chambre après que le soleil sera couché, et dès que la brillante étoile Sheat sera sur l'horizon; vous me trouverez sur un sofa couleur de rose, et vous en userez comme vous pourrez avec votre servante.»
Elle sortit alors, emportant avec elle la signature, et laissa le vieillard plein d'amour et de défiance de ses forces. Il employa le reste du jour à se baigner; il but une liqueur composée, de la cannelle de Ceylan, et des précieuses épices de Tidor et de Ternate, et attendit avec impatience que l'étoile Sheat vint à paraître.
Cependant, la belle Almona alla trouver le second pontife. Celui-ci l'assura que le soleil, la lune et tous les feux du firmament n'étaient que des feux follets, en comparaison de ses charmes. Elle lui demanda la même grâce, et on lui proposa d'en donner le prix. Elle se laissa vaincre, et donna rendez-vous au second pontife au lever de l'étoile Algenib. De là, elle passa chez le troisième et chez le quatrième prêtre, prenant toujours une signature, et donnant un rendez-vous d'étoile en étoile. Alors elle fit avertir les juges de venir chez elle pour une affaire importante. Ils s'y rendirent: elle leur montra les quatre noms, et leur dit à quel prix les prêtres avaient vendu la grâce de Zadig. Chacun d'eux arriva à l'heure prescrite; chacun fut bien étonné d'y trouver ses confrères, et plus encore d'y trouver les juges devant qui leur honte fut manifestée. Zadig fut sauvé.
Voici, sexe charmant, le chapitre qui doit faire auprès de toi la fortune de cet éloge. Que nous servirait, mesdames, d'avoir chanté la plus belle partie de vous-même, si notre art ne vous instruisait encore à la conserver dans toute sa fraîcheur.
Plume aimable et facile du chantre badin des Perruques[13], viens pour un moment sous mes doigts; et que les grâces, en nous lisant, croyent encore lire quelques pages du docteur Akerlio.
Mais déjà mon sujet m'inspire! Or, écoutez, mesdames; j'ai toussé, je commence.
La parure est à la beauté ce que l'esprit est au savoir. On ne se plaît guère sans un peu de coquetterie; pour retenir dans ses bras son céleste époux, Junon même eut besoin un jour de la ceinture de Vénus. Que l'art de la toilette soit donc votre première étude; mais anathème éternel à ces corps meurtriers, où la taille la plus svelte perd dans sa prison de baleine son élégance naturelle! Un simple corset suffit à la conservation des formes. Qu'une bande légère, fixée vers la partie moyenne de la poitrine, embrasse mollement la région inférieure de chaque hémisphère, en soutienne adroitement le poids sur un support invisible, et laisse entrevoir à l'œil éveillé du désir, cette mappemonde mobile, sur laquelle l'imagination la plus froide aime à voyager quelquefois[14]. Gloire à toi, docte et galant Alphonse[15]! Le premier, tu proclamas courageusement la liberté des gorges, leurs amants te doivent une statue; et j'ai placé la tienne dans mon boudoir.
Une douce chaleur, en dilatant les solides, peut aider au développement d'un sein virginal. Une belle gorge aime à braver demi-nue l'action d'une température modérée. Mais le froid est son ennemi mortel. Qu'elle en évite soigneusement les rigoureuses atteintes; ou bientôt, au lieu de cette élastique fermeté qui fait le premier charme d'un sein de lys, elle n'offrira plus au doigt délicat de l'amour, qu'une solidité squirreuse, éternel écueil des désirs.
Ce sein trop humble n'ose, dites-vous, se montrer au jour. Eh bien! connaissez donc les secrets du génie. Le fluide électrique commande à la foudre même; il peut, à la voix d'un praticien habile, imprimer aux vaisseaux sanguins, une turgescence favorable. Souffrez, mesdames, qu'on vous magnétise: le docteur Mesmer n'a point d'égal dans l'art de donner à certains charmes une expansion délicieuse.
Le malade résiste-t-il à la verge électrique, à la magie du baquet; la mécanique vient pour vous au secours de la physique. Que dans sa double cavité, une officieuse ventouse embrasse, sans les blesser, vos deux globes d'albâtre. L'air ainsi raréfié, hâtera sans douleur le développement de la gorge rebelle.... C'est peu: un contact indiscret vient-il à déformer par accident le bouton de vos roses jumelles? retournez, mesdames, à l'heureuse ventouse: le bouton ranimé reprendra bientôt sa forme et sa fraîcheur.
Belles sans expérience, vous qui pleurez ingénuement à votre quinzième année, l'absence du plus doux attrait dont se pare un buste féminin, consolez-vous! il n'est point de mal sans remède. Plus d'une prêtresse de Vénus tient magasin de seins postiches. Vous pouvez avoir à vil prix la plus belle gorge du monde, dans une paire de cartons bombés.
Et vous, honneur de votre sexe, femmes intéressantes qui voulez unir en même temps le plaisir d'être épouses et l'orgueil d'être mères, ne craignez rien: à l'aide d'une petite ruse, on est maintenant à la fois et nourrice et jolie. Déjà l'œil marital commence-t-il à lire avec peine les ravages de l'allaitement sur un mamelon déprimé? voyez la gomme élastique se façonner pour vous en chapeau complaisant[16]. L'aiguille l'a criblé tout exprès de légers tuyaux capillaires, pour fournir un libre passage au lait nourricier. Sous la forme couleur de rose dont il est hermétiquement couvert, le sein maternel cache ainsi sans péril sa passagère laideur; et, par cette innocente imposture, il satisfait à la fois la nature et l'amour.
De graves professeurs d'hygiène ne voient de salut pour les belles gorges, que dans un régime d'anachorète. A les entendre, il n'est pour nos Vénus qu'un moyen sûr de conserver leurs charmes: c'est de n'en faire aucun usage[17]. Le jeûne, selon eux, est encore une recette unique: pour éterniser la beauté, vive (disent-ils) l'art de mourir de faim.
Quant à nous, indulgents casuistes, nous sentons combien la chair est fragile. Cette abstinence surnaturelle n'appartient qu'aux purs esprits; de tout un peu, c'est la devise des corps. Le plus grand des philosophes, Épicure, fut par excellence l'apôtre de la volupté, et notre rigorisme, mesdames, ne vous défend que l'excès.
Ainsi, bien que l'eau soit, d'après Hippocrate, la boisson conservatrice des belles formes, nos ordonnances moins rigides vous permettent l'usage modéré des liqueurs[18]. Nous n'aurons pas la cruauté d'interdire aux dames le café du matin[19]; mais que le sucre et le lait adroitement mélangés, lui servent toujours de correctif. Funeste au système nerveux, l'abus du café à l'eau a desséché plus d'un joli sein[20].
Pourquoi faut-il que le plaisir ait aussi ses regrets? Sexe enchanteur! quel feu n'allume pas dans nos sens le seul aspect de tes pommes de neige. Il nous faudrait mourir, si les flammes dont tu nous consumes ne te brûlaient toi-même! Ah! pour le bonheur de l'homme, succombe quelquefois aux douces tentations que tu fais naître! mais, pour l'honneur de tes charmes, résiste plus souvent encore à l'attrait du désir! La fleur des champs que le papillon se plaît à baiser, s'effeuille enfin sous l'aile de l'insecte brillant: ainsi la fleur d'un beau sein finit par se faner sous les caresses d'un indiscret amour. La rose de la volupté ressemble à Titon dans les bras de l'Aurore: chaque baiser la vieillit d'un lustre[21], et le bouton du matin, le soir n'est plus qu'une épine[22].
Vous, dont la fougue égarée poursuit la jouissance au péril de vos charmes! ah! du moins, quand vos sens sont calmés, hâtez-vous de réparer en secret les outrages du plaisir. Autrefois tributaires du génie monacal, la botanique et la chimie opposaient au développement des gorges nonnettes le froid nénuphar et le mystique agnus castus. Libres aujourd'hui, ces deux sciences aiment à préparer de concert d'utiles restaurants aux seins débilités. Connaissez l'art des frictions réparatrices. Elles entretiennent dans sa fraîcheur le satin de la peau; elles rendent aux formes affaissées leur souplesse et leur ressort; par elles, les lys disparus sous le feu du baiser, ont retrouvé bientôt leur première blancheur. Salut, savante Tolleret[23]! La renommée de tes pommades a volé des bords de la Seine aux rives du Mississipi. Le sein de la belle Poppée[24] n'eut jadis pour ressource que le bain de lait d'ânesse; les gorges égyptiennes ne connaissent que l'hermodacte[25]. Mais ces recettes merveilleuses, les tiennes les ont éclipsées. C'est à ta voix que, pour la sécurité d'un sein galant, l'olive et l'amande offrent à la fois leur huile adoucissante; que la pimprenelle et la rose prodiguent leur essence aromatique; que la cannelle et la fleur d'orange s'unissent à la crême en pâtes odorantes, et s'étendent en masque officieux[26] sur plus d'un sein décrépit.
Non, tu n'auras point fait d'ingrates, ô toi, dont le génie tutélaire a bien mérité des gorges! Permets que leur chantre, en terminant leur éloge, te proclame leur bienfaitrice. Un grain de leur encens t'est dû. Puisse ton nom briller désormais en lettres d'or dans les fastes de la beauté! Puisse, éternisée par la reconnaissance féminine, ta mémoire ne périr qu'avec le dernier téton!
Quelquefois, après la grossesse, la gorge et le ventre restent flétris et plus volumineux. L'art offre ici plusieurs moyens: ils sont ou mécaniques, ou thérapeutiques; les premiers consistent dans l'application de bandelettes pour le sein, et de larges bandes sur le ventre, aussitôt après les couches, avec la précaution de les resserrer graduellement, pour laisser à l'organe de la génération les moyens de contraction qui lui sont alors nécessaires. L'habit européen est, à cet effet, plus favorable aux femmes que la veste asiatique qui, ne contenant point les intestins, permet à la texture molle de leurs enveloppes, d'acquérir des dimensions énormes. Plus soigneuses de leur gorge et de leurs pieds, les Géorgiennes, les Otaïtiennes, les Chinoises, les Bayadères captivent leur gorge enfantine dans un étui, qu'elle ne peut dépasser[27], et emprisonnent, dès le berceau, dans une babouche étroite, leur pied qui ne s'accroît que très-peu. On a ridiculisé ce goût fondé cependant sur quelque raison. En effet, une main calleuse, un pied plat et long annoncent une basse extraction, une vie exercée aux travaux les plus rudes, tandis qu'un pied mignon, présage flatteur d'attraits plus cachés, semble être le résultat d'une éducation soignée: et ne fît-on que retracer cette fameuse Rhodope, déjà citée par nous, dont le joli soulier, emporté par un aigle et tombé à Memphis, dans le bain du roi Psammétique, fit marcher son petit pied à si grands pas vers la fortune, et valut à Rhodope les honneurs du trône; on avouera qu'on a quelque droit à placer ce genre d'attrait parmi ceux qui exercent sur l'homme un grand empire.
On a vanté la mélisse pilée et appliquée sur la gorge, et l'arbrisseau de Vénus, le myrte, s'honore d'offrir aussi un moyen de faire disparaître les traces du culte qu'on rendit à la divinité auquel il est consacré. En général, les sumacs (rhus coriaria), les chênes (quercus ilex), les épines, les arbousiers et tous les végétaux styptiques contiennent un tannin très-propre à cet usage.
Enfin, le médecin des dames[28] dit:
Si mulierum sinus pudoris sit nimium dilatatus, quod accidit tùm propter partus, tùm propter frequentes coïtus, debent mulieres tunc uti sequentibus remediis[29]:
Prenez, dit-il, noix de galle encore vertes, faites-les bouillir dans du vin avec quelques clous de girofle, trempez-y un linge et appliquez.
Ou bien: alun, sang-dragon, gomme arabique, suc d'acacia, feuilles de plantain, de renouée, de tormentille, fleurs et fruits de grenadier, capsules de glands, sorbes non mûres, roses de Provins, faites bouillir dans du vinaigre, et appliquez au moyen de compresses.
Ou: quatre onces d'huile d'amandes amères, une once de cire blanche; faites fondre au bain-marie; ajoutez deux gros d'alun, une once de suie et un gros d'orcanette, vous avez une pommade styptique[30]; ou, enfin: alun, une once, acide vitriolique, demi-gros; faites fondre dans quatre onces de vinaigre et quatre onces d'eau de plantain ferrée; ajoutez deux onces d'esprit de vin et servez-vous-en, mais avec discrétion, pour imbiber, avec une éponge, certaines parties qui laisseraient des preuves non équivoques de fécondité, ou au moins, comme disait Fontenelle, que l'amour avait passé par là.
Un moyen plus simple et non moins efficace, c'est d'extraire le tannin, en versant de l'eau sur du tan en poudre dans un appareil semblable à celui des salpêtriers. Cette eau, en traversant le tan, lui enlève une portion de son principe styptique; versée sur du nouveau, elle en dissout une autre quantité, et ainsi de suite jusqu'à ce que le tan soit plus disposé à lui en enlever qu'à lui en céder; alors la concentration est parfaite, et on l'emploie comme les décoctions ci-dessus prescrites; mais tous ces moyens ne peuvent que succéder aux compressions graduelles des bandes à sec, et longtemps après que tous les résultats de couche sont terminés, ou bien on courrait le risque d'une suppression souvent mortelle et toujours douloureuse. Enfin, avec les mêmes précautions, les bains froids et répétés offrent le plus sûr comme le moins dangereux de tous les topiques.
Sulfate de zinc | 40 gr. |
Noix de galle | 20 gr. |
Noix de cyprès | 20gr. |
Écorce de grenade | 30 gr. |
Feuilles de myrte | 30 gr. |
Sumac | 30 gr. |
Mélangez ces substances pulvérisées avec quantité suffisante d'onguent rosat. Cette pommade a la propriété de resserrer le sphyncter ou muscles constricteurs de la vulve et du vagin trop relâchés.
On doit d'ailleurs scrupuleusement observer que tous ces topiques, lotions ou pommades, ne doivent jamais s'employer pendant le tribut lunaire, ou toute autre hémorrhagie utérine; et qu'ils ne sont suivis du succès désiré, qu'en s'imposant la sagesse la plus austère. La femme déjà trompée, et qui s'exposerait encore à l'être, n'est plus digne de notre intérêt, et du motif bien pur qui nous anime à consoler son sexe des injustices du nôtre.
Quant au moyen de s'opposer au développement excessif de la gorge, l'art offre des procédés certains pour réprimer ce luxe de la nature, de même qu'il en présente pour la forcer à accorder ses dons à celles envers qui elle s'est montrée trop avare en ce point; et nous croyons faire plaisir à nos lectrices, en publiant, en leur faveur, le manuscrit suivant, trouvé dans les décombres du délicieux château de Crécy, bâti pour la belle Pompadour, qui paraît avoir profité de la recette qu'il contient. On sait qu'elle n'obtint que fort tard, le genre d'attrait dont il s'agit ici. On pardonnera à l'auteur ses peintures un peu vives en faveur de son motif.
«Vous m'ordonnez, madame, de consulter l'oracle d'Épidaure, pour ajouter à vos attraits ce que vous seule y trouvez à désirer: que peut, en effet, demander aux dieux, celle qui réunit à la majesté, la douceur; à l'élégance des formes, la régularité des traits; enfin, à l'air imposant de la reine des dieux, la fraîcheur des bergères du Mont Ida? Heureux disciple d'Esculape, je suis appelé, par votre confiance dans mon art, à embellir la beauté même: plus occupé de mon bonheur qu'effrayé de ma témérité, je vais tenter d'unir à vos attraits des charmes nouveaux; et j'ose croire au succès, puisque vos beaux yeux m'encouragent d'un regard.
«Dans ce siècle fortuné, où, renonçant au vain luxe des mots, les savans s'occupent avec succès des choses, on applaudit au novateur heureux qui soulève le voile de la nature, pourvu qu'il en obtienne une réponse.... On veut même que les oracles qu'il surprend à l'antique déesse soient précis, et l'on pardonne à la nudité de ses expressions, pourvu que son but soit moral, c'est-à-dire, tende à la perfection, au bonheur de l'humanité. J'ose donc essayer, madame, de vous apprendre l'art d'acquérir ce nouvel attrait qui fera de vous le modèle de la beauté, et donnera à nos jeunes Françaises la confiance de vous imiter; cet attrait qui anime le poëte, enflamme le peintre, ravit le sculpteur, inspire le musicien, et fait délirer depuis le simple cultivateur sous le chaume, jusqu'au grave philosophe au sein de ses livres poudreux; cet attrait, dont les fières amazones consentaient à sacrifier la moitié pour gagner en adresse ce qu'elles perdaient en appas; cet attrait, dont la pomme de Paris n'offrait qu'une imparfaite image, et qui la fit tomber de ses mains; enfin, cet attrait qui date des premiers jours du monde, si c'est par lui qu'il faut expliquer cette autre pomme plus fatale, auquel le genre humain doit, dit-on, la perte du bien et la connaissance du mal.
«S'il est recherché par les hommes, les femmes s'honorent de l'offrir à nos yeux, c'est l'aiguillon du plaisir, le prélude du bonheur!... C'est le secret de ce don charmant que, sans m'arrêter à le depeindre, je voudrais conquérir pour les femmes qui en sont privées, et quoique ce ne soit point une fiction, c'est dans la fable que je puiserai la leçon que je viens vous offrir.
«Hébé, trop jeune encore, ne comptait que quatorze printemps: le lys et la rose se disputaient ou plutôt se partageaient l'honneur de nuancer son teint.... de grands yeux bleus, où déjà se peignait l'amour sans qu'elle s'en doutât, s'ouvraient lentement sous de noires et longues paupières; un front uni, un nez droit, une bouche de la couleur et de la forme d'un bouton de rose qui s'entrouvre, une haleine qui en avait le parfum, des dents d'un émail opalin, de charmantes fossettes offrant des niches à l'amour indécis[31], un col blanc et onduleux, une taille et flexible et légère, des bras arrondis, des doigts délicats; enfin de petits pieds effleurant à peine les parvis de l'olympe.... Hébé avait tout en partage, et les dieux, auxquels elle versait le nectar dans la coupe de l'immortalité, étaient plus enivrés de ses charmes que de sa liqueur éthérée.... elle réunissait tout.... tout? non.... quelque chose manquait à ses charmes, et ce fut l'orgueilleuse Junon qui s'en aperçut. Hébé entrait dans cet âge où la nature indécise semble n'avoir qu'ébauché son chef-d'œuvre. Offrant également les attraits des deux sexes, elle n'avait point encore reçu ce double présent qui décèle une vierge et que caresse l'œil furtif de l'amant timide.... Le dieu de la foudre lui-même, souriant à la remarque de l'auguste Junon, témoigne le désir de voir Hébé parfaite.... Il dit, et fils aussi soumis que galant époux, Vulcain prend la coupe des mains d'Hébé; il en couvre l'un des hémisphères du sein de Vénus, et l'arrondit sur ce modèle à la vue des dieux frémissants d'envie et de volupté. Sous son léger marteau le métal docile s'étend, se contourne, se creuse, et façonnée de même sur le second hémisphère de la belle déesse, naît une seconde coupe. Le dieu de Lemnos les place sur le sein d'Hébé qui, ainsi parée, ressemble à la chaste Pallas; bientôt sous ces deux coupes protectrices son sein s'élève, un double mont bondit, et sa gorge s'accroît sans dépasser ces heureuses limites. Les dieux applaudissent.... Cette ingénieuse invention passa jusqu'en Grèce; l'Inde s'en fit honneur, mais elle se perdit comme tous les usages antiques et fut conservée par les seules Bayadères.... Ces coupes amoureuses furent réservées pour les banquets des dieux, et ce sont elles qui, remises depuis aux mains d'Hébé, désaltèrent encore les fortunés habitants de l'Empyrée, et leur inspirent les désirs, l'espérance et la joie en leur rappelant le moule heureux sur lequel elles furent arrondies.
«C'est ce prodige de la mythologie que l'art veut reproduire pour vous, belles, à qui il ne manque que cet attrait pour être accomplies, et vous aussi pour qui sa possession excusera l'absence des autres.
«En drapant légèrement les formes imparfaites de votre douce amie, jeunes époux, imitez le disque rond de Phébé; échancrez[32] l'étoffe en dessinant les contours absents des attraits que vous désirez; que votre main utilement caressante et instruite à la volupté par le dieu de Délos, sache promener des doigts mobiles sur l'aréole de ce sein non encore développé[33]; que de fréquentes titillations fassent frémir ses fibres; bientôt la papille se gonfle, et les esprits appelés par ces douces frictions enflent les muscles qui, profitant d'une liberté inconnue, se frayent une route nouvelle; une lymphe nourricière baigne les glandes qui se dilatent; le réseau éclatant et poli qui les renferme, participant de l'éréthisme général, s'arrondit sous les doigts créateurs: comme la fleur, condamnée à périr sous les glaçons de l'hiver, se développe et naît au jour, sous le verre diaphane, et sous les douces influences d'une chaleur factice; de même les sucs élaborés sous la main de l'époux fortuné s'accumuleront en dessinant les voluptueux contours des beaux modèles que nous a transmis le ciseau des Phidias et des Praxitelle.
«L'une des coupes fameuses dont il s'agit ici, madame, s'est perdue, ou plutôt aimons à croire que les dieux l'ont retirée pour conserver le type du beau, s'il se trouvait perdu sur la terre; l'autre est célèbre par ce banquet où l'amoureuse Cléopâtre fit publiquement aux yeux extasiés d'Antoine, non la fastueuse expérience de dissoudre une perle dans un breuvage qui n'eût pas épargné l'organe complice de sa forfanterie, mais celle bien plus merveilleuse de l'exacte application de ce moule divin, sur sa gorge ravissante. Elle orne aujourd'hui un Musæum fameux en Europe, et nous pourrons la consulter pour donner à vos formes le degré d'extension avoué par le goût, si vous accordez à mes avis le droit de concourir à la naissance de l'attrait dont vous désirez la possession. Je dois vous dire enfin, madame, que c'est de l'abus des moyens que je viens de vous indiquer qu'est né un singulier usage, chez les femmes turques, dont les époux, par je ne sais quel goût bizarre, préfèrent une gorge volumineuse et tombante, et qui, pour se procurer ce double agrément, usent avec excès des bains chauds et du massement, opération inconnue en Europe. Ce n'est, certes, pas à cette espèce de perfection que je désire vous voir atteindre, et la nature heureusement vous a formée de manière à ne pas satisfaire les inclinations turques; mais l'art hippocratique offre encore des ressources aux femmes dont l'accroissement de la gorge aurait besoin d'être prévenu, et c'est dans le même moyen qui favorise son développement qu'elles trouveront celui de sa répression. Les belles favorites du commandeur des croyants, les Circassiennes, les Géorgiennes, les Mingréliennes, opposent, dès l'âge de douze ans, à leur gorge naissante, un léger rempart de bois de santal qu'elle ne peut franchir; et ce genre d'attrait acquiert chez elles, par la compression, une fermeté que l'on rencontre difficilement chez les femmes des autres peuples.
«Pardonnez, madame, ces détails que la nature de votre demande a rendus nécessaires, et puisse l'application de cette théorie ajouter encore, s'il est possible, aux charmes qui ont mérité l'hommage d'un autre Jupiter. Puissé-je alors aussi, jeune encore et médecin peu connu, obtenir par mes soins votre entière confiance, et par le succès de mes recettes, le triomphe d'une nouvelle Hébé; dût une moderne Junon accabler de sa persécution[34] l'inventeur satisfait de sa réussite.» D.M.V.S.M.
Nous ne pouvons mieux terminer ce chapitre qu'en rapportant l'anecdote suivante, qui en est le corollaire.
Sous Louis XIV, le supplice de la Brinvilliers fut un exemple insuffisant pour arrêter les empoisonnements. Une chambre ardente fut instituée pour juger de ces crimes. L'arrestation et le procès de la Voisin firent découvrir dans les papiers de cette dernière, une foule de lettres qui compromettaient des gens de la plus haute condition. La Voisin était accusée d'avoir vendu des poisons, des charmes, et divers secrets magiques pour se faire aimer. La duchesse de Foix avait été arrêtée sur la déposition d'un simple billet d'elle trouvé chez la Voisin, et dont le sens était plus obscur que propre à baser une accusation. Louis XIV, ne voulant pas que sur un indice si léger une dame de haute distinction fût emprisonnée, se réserva de l'interroger lui-même dans ses cabinets, où elle fut conduite avec son propre carrosse par le capitaine des gardes en quartier.
«Reconnaissez-vous ce billet, madame la duchesse? lui dit Sa Majesté d'un ton sévère, mais doux.
—Sire, il est de ma main; je ne puis ni ne veux le nier.
—A merveille! Maintenant dites-moi, je vous prie, avec la même franchise, ce que signifient ces mots: Plus je frotte, moins ils poussent.
—Ah! sire, s'écria la duchesse en se jetant aux pieds du roi, daignez m'épargner un tel aveu.
—Je ne le puis, madame, songez que je vous appelle devant moi pour vous sauver un affront public; ce motif me donne tous les droits à votre confiance, et dans l'intérêt de votre honneur je vous ordonne de parler.
—J'obéirai, sire! reprit en tremblant Mme de Foix, rouge jusqu'aux yeux.... Depuis deux ou trois ans je m'aperçois que mon mari me néglige après m'avoir souvent reproché un défaut... non, jamais je n'oserai achever....
—Continuez, duchesse....
—Il est des charmes, reprit l'accusée, dont la nature se montre prodigue envers des femmes, avare envers d'autres....
—Poursuivez, je vous prie.
—Eh bien! sire, mon mari n'aime que les dames auxquelles la nature a prodigué....
—Prodigué quoi?
—Ce qui excède les belles proportions dans Mme de Montespan et manque à Mme de La Vallière... comme à moi, sire....
—Ah! m'y voici, s'écria Louis XIV en s'excusant d'un défaut trop prolongé de pénétration.... Et je vois, poursuivit le monarque interrogateur, que vous aviez demandé à la Voisin....
—Une pommade dont elle disait des merveilles, ajouta Mme de Foix en baissant les yeux.
—Cependant plus vous frottiez, moins ils poussaient.
—Hélas! oui.
—C'était un malheur; mais ce n'était pas un crime, et je suis enchanté, duchesse, de vous avoir épargné la honte d'un tel aveu devant la chambre ardente. Je vous rends le malheureux billet qui vous causa deux heures d'inquiétude; retournez tranquillement à votre hôtel. Je ne vois de coupable ici que l'époux qui délaisse une femme aussi jolie que vous; je veux en toucher quelques mots au duc. Il est un moyen plus heureux que celui dont vous avez fait l'essai pour obtenir de la nature elle-même ce que vous recherchiez par artifice; nous en causerons avec votre mari, et j'espère qu'il l'emploiera.»
Les mamelles (mammæ, des Latins; mastoï, des Grecs; poppa, en italien; teta, ubre, en espagnol) subissent les mêmes phases dans leur développement, que les organes essentiels de la reproduction. Elles sont peu apparentes dans le jeune âge et ne commencent à prendre le développement qu'elles doivent acquérir que lorsque l'appareil génital est apte à perpétuer l'espèce; et comme ce n'est que chez les individus femelles qu'elles parviennent à leur état complet, elles ne présentent pendant les premiers temps de la vie aucune différence chez l'un et l'autre sexe.
C'est donc vers l'époque où la femme devient apte aux plaisirs de la maternité, que les seins commencent à acquérir tout le développement dont ils sont susceptibles, ainsi que les formes gracieuses qui en font un si brillant ornement: avant la puberté, ils n'en forment que le noyau et se flétrissent après le temps de la faculté de reproduire. Cependant il n'est pas sans exemple de voir des jeunes filles encore loin de cette brillante époque, offrir des mamelles parfaitement conformées et susceptibles de fournir du lait. Les auteurs rapportent, à cet égard, des exemples fort curieux; mais tous tendent à prouver que ce développement précoce fut toujours le résultat d'irritations exercées sur le mamelon.
Le développement des mamelles se fait ordinairement en raison de celui des organes spéciaux de la génération, en sorte que la bonne conformation des seins peut, en général, servir de mesure à celle de ces derniers. Ainsi, l'homme qui recherche dans la femme, non-seulement ce qu'elle peut offrir de gracieux, mais encore tout ce qui peut dénoter une grande puissance génératrice et un vif sentiment de l'amour, est-il toujours enthousiaste d'un beau sein. A peine la femme, la plus accomplie sous tous les autres rapports, peut-elle éveiller en lui le moindre sentiment de volupté, si elle ne se trouve pourvue de ce superbe ornement. Cependant, on voit quelquefois des femmes dont les parties sexuelles sont parfaitement développées et propres aux plaisirs ainsi qu'à la propagation, quoiqu'elles n'offrent que quelques traces de ces organes, tandis que d'autres, avec le sein le plus volumineux, ne sont nullement accessibles aux désirs voluptueux ni aptes à la génération.
C'est évidemment en vertu des liens de l'étroite sympathie qui unissent les seins et les organes sexuels, que s'opère le développement simultané.
Les mamelles sont situées au milieu de la poitrine, l'une à droite et l'autre à gauche, directement sur les muscles pectoraux; elles sont au nombre de deux: il est rare de trouver des femmes qui en aient trois ou quatre donnant toutes du lait. Cependant, les annales de la science citent un grand nombre de femmes et même d'hommes multimammes; le plus souvent, le nombre des mamelles est porté à trois: deux présentent la position et le volume ordinaires, et la troisième est située sur la ligne médiane, un peu plus bas que les deux autres, ou bien au-dessous de l'une d'elles à droite ou à gauche. Lorsque la mamelle surnuméraire est médiane, elle reste ordinairement peu volumineuse, même pendant l'allaitement; les mamelles surnuméraires latérales diffèrent au contraire fort peu des mamelles normales et peuvent, comme elles, fournir du lait. Lorsqu'il existe quatre mamelles, elles sont ordinairement bilatérales et placées comme les mamelles abdominales des animaux, l'une au-dessous de l'autre; cette disposition est moins commune que la précédente, et la présence de cinq mamelles est plus rare encore. Percy n'en rapporte qu'un seul cas observé par M. Gorre. Ce cas fut présenté par une femme valaque trouvée, en l'an VIII, parmi les nombreux prisonniers faits à l'armée autrichienne et qui ne tarda pas à périr de froid et de misère. Sur les cinq mamelles de cette femme, quatre étaient très-saillantes, disposées sur deux rangs, gonflées et pleines de lait; la cinquième était médiane et située à cinq pouces de l'ombilic; elle n'était pas plus volumineuse que celle d'une fille impubère.
On a aussi constaté que des mamelles surnuméraires pouvaient se présenter sur d'autres points du corps; ainsi, M. Robert a fait connaître le fait d'une femme multimamme de ce genre, laquelle descendait elle-même d'une mère dont les mamelles étaient plus nombreuses que d'habitude. Mais, chez elle, la mamelle surnuméraire était placée à la partie externe de la cuisse gauche, près de l'aîne. Jusqu'à la première grossesse, cette mamelle fut prise pour un simple noevus; mais à cette époque elle se développa et acquit le volume de la moitié d'un citron; l'enfant tétait alternativement l'une des mamelles pectorales et celle-ci, qu'on pourrait appeler inguinale.
Thomas Bartholin vit une Danoise qui en offrait trois, dont deux étaient placées dans leur situation naturelle, et l'autre à la partie inférieure du sternum, en sorte qu'elles représentaient une espèce de pyramide renversée. Tout le monde sait que la belle Anne de Boulen, épouse de Henri VIII, roi d'Angleterre, avait, outre six doigts à chaque main, trois mamelles à la partie antérieure de sa poitrine. Un moine de Corbie rapporte avoir vu une paysanne qui nourrissait trois jumeaux de quatre mamelles indistinctement, dont deux étaient situées au-devant de la poitrine, et les deux autres au dos.
Les mamelles bien proportionnées sont un des principaux ornements des femmes, particulièrement lorsqu'elles sont accompagnées d'une gorge bien taillée et recouverte d'une peau fine. Il faut aussi qu'elles soient blanches, rondes, et médiocrement écartées l'une de l'autre; qu'elles ne soient placées ni trop haut, ni trop proche des aisselles; et enfin qu'elles ne soient ni trop grosses, ni pendantes: voilà les conditions qu'elles doivent avoir pour être belles et propres à donner de l'amour; mais ce ne sont pas les meilleures ni les plus capables de contenir le lait.
En nul endroit du corps, la peau n'est si fine, si délicate, si lisse, si douce au toucher et si blanche qu'aux environs des mamelles. Là les téguments ont acquis une telle ténuité, qu'ils sont entièrement transparents et laissent facilement apercevoir les ramuscules veineux qui serpentent agréablement dessous, notamment dans le voisinage de la portion rosée, et dont la couleur bleuâtre, en formant un heureux contraste avec la blancheur de la peau, en relève si fortement l'éclat, et donne tant de lustre à la beauté du sein. Ces globes, au reste, plaisent d'autant plus à la vue que cette belle portion de la peau est plus tendue par des glandes mammaires volumineuses, et que la femme jouit de plus d'embonpoint. Il est cependant des personnes fort maigres naturellement dont ces glandes sont si développées que, malgré cet état, elles offrent un sein solide, bien tendu, et de la plus grande beauté.
C'est à la partie centrale de chaque moitié des parois thoraciques qu'est situé le sein dans sa belle conformation. Trop dégagés en dehors et portés sous les aisselles, ces organes laissent entre eux un grand vide, peu agréable à la vue, et peuvent éprouver, de la part des bras portés en bas et surtout en dedans, des pressions plus ou moins fortes dont la fréquence nuit à leur développement, les déforme et même les atrophie. Trop rapprochés du centre de la poitrine, ils se confondent l'un avec l'autre, et de ce défaut de dégagement résulte l'imperfection de ces rotondités élégantes qui concourent tant à la beauté physique du sexe. Trop relevés vers le cou, les seins confondent leurs brillants contours avec ceux de l'épaule, reçoivent des chocs continuels des mouvements brusques de la clavicule, et sont sans cesse exposés à l'influence nuisible de l'atmosphère, dont la femme ne peut se garantir que par des vêtements grotesques et répudiés par la véritable coquetterie. Situés trop intérieurement, ils semblent rapprocher les femmes des animaux mammifères, et demandent à être relevés sans cesse par des corsets, dont la pression continuelle peut porter les plus fâcheuses atteintes à ces organes délicats.
La figure des beaux seins est ronde, et représente un demi-globe; mais les bons nourriciers, au contraire, sont avancés en dehors, et ressemblent à une poire, tels sont en général ceux des Comtoises; ce qui fait qu'ils ont de la peine à se soutenir, principalement quand ils sont pleins de lait.
On ne peut pas bien déterminer leur grandeur; elle varie suivant les nations: les Indiennes et les Siamoises les ont si longs, qu'elles peuvent les jeter par-dessus leurs épaules. Ils différent encore suivant les individus; quelques femmes les ont naturellement petits et d'autres gros; ces dernières sont les meilleures nourrices, pourvus qu'ils ne soient pas trop charnus. Leur grosseur dépend aussi de l'âge; ils commencent à pousser à 14 ans, ils ont alors la figure d'un demi-globe; ils sont petits, mais durs et fermes; ils grossissent à mesure qu'elles avancent en âge; ils se flétrissent aux femmes qui approchent la cinquantaine; et plus une femme vieillit, plus elle les a mous et flasques, n'y restant plus à la fin que des peaux.
Le mamelon est une petite éminence qui s'élève au milieu de la mamelle; il est d'une substance spongieuse, assez semblable à celle du gland de la verge, c'est pourquoi il se relève, se gonfle et se roidit lorsqu'on le suce ou bien qu'on le chatouille. Il a un rapport intime avec les parties de la génération. Les mamelons se dressent et prennent part aux sensations suscitées dans l'appareil génital par le coït ou autres moyens d'excitation. Les titillations de ces boutons rosés y font naître un sentiment de volupté qui, se communiquant en un clin-d'œil au siége spécial de la jouissance, embrase la femme et la sollicite puissamment à l'acte de la reproduction. Quels sont les moyens d'une si frappante communication entre des organes si éloignés? Quelques auteurs prétendent que ce sentiment si vif, si agréable, a été donné à cette partie afin que l'enfant y cause en la suçant un doux chatouillement, et que la femme y trouvant un singulier plaisir, elle se porte plus volontiers à donner à téter à son enfant aussi souvent qu'il en a besoin.
Il est reconnu que la succion du lait éveille des sentiments de volupté au bénéfice de l'appareil générateur. Cabanis disait que des nourrices lui avaient fait l'aveu qu'elles devaient à l'enfant qu'elles allaitaient de véritables jouissances. La solidarité des seins, relativement à l'appareil sexuel, est un fait constant; aussi la sécrétion du lait augmente-t-elle généralement sous l'influence de l'excitation de l'organe générateur. C'est le cas dans lequel était cette femme, qui voyait le lait sortir de ses seins quand son mari accomplissait avec elle l'acte du coït. On a dit aussi que l'observation avait utilisé cet acte physiologique, que, voyant les animaux se prêter avec complaisance à la manœuvre par laquelle on leur enlevait leur lait, on avait établi, dans le but d'en augmenter la quantité, une action directe sur l'organe générateur. Hérodote rapporte que les Scythes introduisaient un bâton poli dans la vulve de leurs juments quand ils leur enlevaient leur lait. Bayeu a raconté que dans les Pyrénées les gens occupés à traire les vaches plaçaient une de leurs mains dans la vulve; enfin, s'il faut en croire Levaillant, les Hottentots soufflent de l'air dans les parties sexuelles des animaux avant de les traire.
La jeune fille devient-elle pubère, aussitôt les seins répondent à l'appel de la matrice, et cette corrélation se reproduit à chaque nouvel éveil de cet organe. Elle se moule en quelque façon sur les conditions dans lesquelles il se trouve. Dans l'état ordinaire de la vie, une action, quelle qu'elle soit, sur l'appareil générateur a toujours du retentissement dans les seins, et réciproquement. Ainsi, une sensation voluptueuse venant directement de l'utérus et de ses annexes est comprise et perçue dans les organes de la lactation; de même les sentiments lascifs peuvent trouver accès près des voies génitales en partant des seins. C'est la raison pour laquelle Hippocrate croyait que le lait venait de la matrice.
N'est-ce pas à cette corrélation, à cette excitation génésique provoquée par l'allaitement qu'il faut attribuer le fait de luxure inouï, diabolique, que rapporte M. le docteur Andrieux? Un enfant, qu'on avait pourvu d'une nourrice jeune et vigoureuse, dépérissait chaque jour. Les parents affligés cherchaient en vain la cause de cet état: on finit par la découvrir. Mais où trouver des mots pour exprimer leur surprise et leur colère, quand ils trouvèrent cette malheureuse, exténuée, délirante, avec son nourrisson qui cherchait encore dans une succion affreuse, et inévitablement stérile, un aliment que les seins auraient pu seuls donner!!! Pour parvenir facilement à son but, elle attendait que le cri de la faim se fît entendre; l'enfant, dans cet instant, ouvre la bouche comme pour chercher le sein, il saisit alors avidement le bout du doigt, ou tout corps quelconque souple et arrondi qu'on place entre ses lèvres, et exerce immédiatement sur lui des efforts répétés de succion.
Les exemples d'une pareille dépravation doivent heureusement être fort rares.
La plupart des filles élevées chez des religieuses ne peuvent, selon ces dernières, plaire au Créateur que par des imperfections. Avoir de la gorge, être belle, sont assurément deux sujets de réprobation; l'enfer, ouvert à celles qui portent un sein arrondi, attend sa proie avec impatience; c'est ainsi que s'exprime le fanatisme dans l'intérieur des maisons d'éducation religieuse. Quelques jeunes filles, adoptant ces idées, prennent chaque jour quelques subtances capables d'interrompre ou d'affaiblir la nutrition: tel est, par exemple, l'usage du vinaigre bu à jeun; en altérant les forces digestives, il arrête le cours des sécrétions ou en diminue l'énergie, d'où le défaut d'accroissement des seins avec l'amaigrissement général qui résulte de cette détestable coutume. Des remèdes aussi dangereux, ou plus violents, employés dans les mêmes vues, doivent donc être bannis sans retour, puisque ce n'est qu'en détruisant la santé qu'ils amènent le changement d'organisation qu'on souhaite.
En 1829, le docteur Récamier publia un ouvrage en deux volumes, intitulé: Recherches sur le traitement du cancer par la compression méthodique simple et combinée. M. Récamier, appelé souvent dans les couvents, s'est trouvé à portée d'y faire l'observation suivante:
Dans les couvents, les religieuses, dans le but de réprimer l'envahissement mondain d'une gorge trop volumineuse, compriment les glandes mammaires avec des rondelles d'amadou. Les seins, par le fait de la compression et de l'iode qui se trouve naturellement dans l'amadou, s'atrophient; mais ce que les religieuses de nos jours n'ont pas prévu, c'est que, en raison de la solidarité dont nous nous entretenons, l'appareil reproducteur profite du retrait des glandes mammaires. Or, comme le bassin est l'expression de l'état anatomique et physiologique de la matrice, il en résulte que les hanches et les muscles fessiers des femmes soumises à cette opération acquièrent un énorme développement. Il me reste à savoir si un surcroît de nourriture et de développement de l'appareil générateur n'est pas un obstacle de plus à la chasteté; et si ces intéressantes recluses n'en ressentent pas plus vivement les aiguillons de la chair, que la religion leur défend d'écouter.
Mais il est temps de revenir à notre sujet, duquel nous nous sommes un peu écarté. Le mamelon est rose et petit aux vierges; l'aréole qui l'entoure est d'une teinte plus ou moins foncée, suivant les individus; elle l'est en général davantage chez les personnes qui ont la peau brune, les yeux et les cheveux noirs, que chez les femmes blondes, faibles et délicates. L'étendue de ce cercle est de deux centimètres environ; il s'élargit et prend une teinte plus foncée chez celles qui ont fait des enfants; le mamelon devient livide et gros aux nourrices, et il est noir et flétri chez les vieilles femmes.
Un ouvrage de ce genre ne pouvant se terminer par des matières médicales aussi sérieuses, nous donnons une fort jolie chanson de M. Aug. Gilles, pour le clore convenablement.
[2] Voy. Le Bouquet de roses, ou le Chansonnier des Grâces, première année, Favre, Palais-Égalité.
[3] Visage.
[4] Bien fait, joli.
[5] Recherchée dans sa toilette.
[6] Étienne Pasquier, avocat,
naquit en 1529 et mourut en 1615.
[7] Il n'est pas besoin de faire ici l'étymologiste. Tous ceux qui entendent le François savent que le mot mamelle, qui n'est plus du bel usage, signifie la même chose que teton.
[8] Les Casuistes les plus relâchez, les Sanchez et les Escobars, condamnent l'attouchement des tétons: ils conviennent que c'est une impureté et une branche de la luxure, l'un des sept péchez mortels. Mais si je ne me trompe, ils n'imposent pas au coupable une pénitence fort sévère: et il y a plusieurs païs dans l'Europe où ils sont presque contraints de traiter cela comme les petites fautes que l'on appelle quotidianæ incursiones. On est si accoûtumé à cette mauvaise pratique dans ces pays-là, et c'est un spectacle si ordinaire jusques au milieu des rues, à l'égard surtout du commun peuple, que les casuistes mitigés se persuadent que cette habitude efface la moitié du crime: ils croient qu'on ne l'envisage point sous l'idée d'une liberté fort malhonnête, et que le scandale du spectateur est très-petit. C'est pourquoi ils passent légèrement sur cet article de la confession. Je ne pense pas que jamais aucun rigoriste ait différé pour un tel sujet l'absolution de son pénitent, non pas même dans les climats où cette espèce de patinage est peu usitée, et passe pour une de ces libertés dont les personnes de l'autre sexe sont obligées de se fâcher tout de bon. Ainsi les anabaptistes sont les plus rigides de tous les moralistes chrétiens, puisqu'ils condamnent à l'excommunication celui qui touche le sein d'une maîtresse qu'il veut épouser, et qu'ils rompent la communion ecclésiastique avec ceux qui ne veulent pas excommunier un tel galant. (Notes de Bayle.)
[9] Boileau en a fait une maligne application à Mlle de Scudéri même, l'auteur de ce roman, à laquelle tous les auteurs d'alors donnaient le nom de Sapho. Le poëte Le Brun nous retrace les écarts de Boileau, dans ses vers contre la citoyenne Th... P..., auteur de Sapho et de Camille, et autres femmes auteurs.
[10] Le recueil de ses poésies est rare. Il s'y trouve quelques morceaux faibles, mais on le lit avec plaisir. Voyez ses épigrammes et son Remède d'amour, dans le recueil intitulé: le Furet littéraire ou les Fleurs du Parnasse, 1 vol. in-12.
[11] C'est Charles II, prince aussi salace, aussi voluptueux que nos Henri III, Charles VII, Henri IV et François Ier. Le C. Mercier, auteur de l'An 2440, et de tant de drames, a fait sur ce prince un drame intitulé: Charles II dans un certain lieu. Il n'a point avoué cette production, mais nous assurons qu'elle est de lui. Un nommé Brémont a fait l'histoire scandaleuse des amours de ce roi avec Miladi Castelmaine, duchesse de Keweland et la femme de Milord Canduche, dans un petit roman allégorique intitulé Hattigé, ou les amours du roi de Tamaran, Cologne 1676. 1 vol. in-16 de 120 pages. Le duc de Buckingham joue un beau rôle dans cette chronique scandaleuse.
[12] Quintilien, Aristote, etc.
[13] Éloge des Perruques, enrichi de notes plus amples que le texte; par le docteur Akerlio (Deguerle). Paris, an VII, 1 vol. in-12.
Cet Éloge badin a trouvé grâce auprès des savants comme auprès des dames, malgré les traits malins qu'il s'est permis de décocher contre les têtes à perruques de toute espèce. Loué par tous les journaux sans en excepter la Décade, il n'a pu fléchir le courroux du terrible Victor-Campagne, dont l'œil perçant a vu tout seul, dans cet élégant badinage, une horrible contre-révolution, Voy. le Flambeau, du 18 floréal an VII.
[14] Gentil Bernard a dit (Art d'aimer, ch. II):
[15] Alphonse Leroi, médecin de la Faculté de Paris, a publié, en 1772, de savantes Recherches sur l'habillement des femmes et des enfants. L'auteur de cet ouvrage utile s'y déchaîne avec une sainte colère contre l'usage des corps baleinés, dont l'usage était général à l'époque où il écrivait, et qu'un caprice de la mode menace de ressusciter aujourd'hui.
[16] Ce chapeau s'appelle, en termes techniques, bout de sein.
[17] Comme si la gorge la plus respectable ressemblait aux cantiques de feu Pompignan dont Voltaire a dit quelque part:
[18] Même spiritueuses et fermentées: le trop seul est de trop.
[19] Il y aurait presque autant d'inhumanité à défendre au beau sexe le thé au lait; ainsi, nous lui en permettons l'usage, d'autant plus que l'habitude qui, comme on sait, est une seconde nature, a mis, grâce à la mode, presque tous nos estomacs à l'anglaise.
[20] Quelle que soit notre indulgence, nous devons en conscience inviter les poitrines délicates à substituer à l'usage du thé et du café, celui du chocolat ou du cacao. Les liqueurs proprement dites peuvent être, dans le même cas, remplacées avec succès par le vin et la bière; mais le vin doit être généreux, et la bière de bonne qualité. Parmi les aliments les plus amis de la gorge sont les végétaux, les substances amylacées, riz, truffes, etc. Les ragoûts trop épicés ne sont pas sans périls; ainsi que les acides, ils minent l'embonpoint, et produisent enfin la maigreur, hideuse ennemie de la beauté.
[21] En profonds commentateurs, n'oublions pas de dire ici: «Il y a lustre et lustre; le lustre vulgaire est de cinq années, celui de la rose est de cinq minutes.»
[22] C'est ce qui fait dire à je ne sais quel poëte, en parlant de je ne sais quelle nymphe:
[23] Madame Tolleret, célèbre par ses découvertes dans l'art de restaurer les gorges, du temps de Mercier.
[24] Poppée, impératrice romaine, seconde femme de Néron. Sa Majesté tigre éventra d'un coup de pied sa royale épouse, sans respect pour sa belle gorge.
[25] L'hermodacte est l'iris tuberosa des botanistes.
[26] Nous ne parlons point ici par métaphore. La grande toilette exige aujourd'hui deux masques; un, comme on sait, sur le visage, l'autre sur la poitrine.
[27] Nous n'avons point en France le bois mobile et léger dont se servent, pour cet usage, les Bayadères, mais nous pouvons le remplacer avec avantage par la gomme élastique, qui, par sa flexibilité et sa légèreté, ne peut froisser ni déformer les contours qu'elle serait destinée à faire éclore. On connaît à présent le moyen de dissoudre cette gomme ou plutôt ce gluten animal.
[28] Le Camus, homme grave, érudit, et qui s'honora cependant de tracer l'hygiène de la beauté sous le nom d'Abdeker.
[29] On pourrait nous reprocher nos citations latines, celle-ci s'excuse d'elle-même, et les mères prudentes nous en sauront gré; quant aux autres, nous avons ménagé, aux jeunes agréables du jour, l'occasion de se montrer, auprès des belles, érudits à peu de frais.
[30] Cette pommade rappelle l'aventure assez plaisante du jeune abbé de Fl..., qui, en ayant trouvé sur une toilette et ayant les lèvres gercées, les en frotta innocemment et sans penser à mal, mais avec un tel succès, que le matin, en s'éveillant, il ne pouvait ouvrir la bouche. Pareille aventure arriva également à M. le comte de Rochefort. Voici comment il la raconte dans ses Mémoires. Mlle de Menneville, fille d'honneur de la reine mère, ayant demandé à ce dernier un habit d'homme, en secret:
«Je le lui portai dans sa chambre. Mais comme il n'y avoit personne pour le recevoir, je le mis sous son lit où elle m'avoit dit de le mettre, et m'en fus causer avec la bonne femme Mme du Tilleul, sous-gouvernante des filles, qui étoit de mes bonnes amies. Comme toutes les chambres des filles, ou, pour parler plus juste, toutes les loges étoient ouvertes, car elles ressembloient proprement à celles des comédiens, j'aperçus, en me promenant avec elle, sur une toilette, des peignes, une boëte à poudre, et tous les autres ingrédiens qui servent à l'ajustement d'une fille, et niant remarqué entr'autres choses une petite boëte de pommade, j'en voulus prendre pour me frotter les mains que j'avois un peu rudes. Je la trouvai toute d'une autre couleur que celle de l'ordinaire, ainsi croiant qu'elle pouvoit servir aux lèvres, où j'avois un peu mal, j'en mis assez imprudemment. Mais je ne fus pas longtemps à m'en repentir, au même temps mes lèvres me firent un mal enragé, ma bouche se rétrécit, mes gencives se ridèrent, et quand je vins à vouloir parler, je fis rire tellement Mme du Tilleul, que je jugeai qu'il falloit que je fusse bien ridicule. Ce qui fut le pis fut que je ne pus presque articuler aucune parole, et, courant promptement à un miroir, je me fus regarder, et me fis tant de honte à moi-même, que je m'enfuis pour me cacher. En m'en allant je trouvai M. le duc de Roquelaure qui entroit pour venir faire la cour à quelqu'une des filles, et étant tout étonné de me voir de la sorte, il me demanda qui m'avoit mis en cet état. Je lui contai naïvement mon infortune, à quoi il me fit réponse, en se moquant de moi, que je n'avois que ce que je méritois, qu'à mon âge je devois savoir qu'il y avoit de toutes sortes de pommade; que celle que j'avais prise n'étoit ni pour les mains ni pour les cheveux, et qu'elle étoit un peu plus rare. Il me quitta après s'être ainsi raillé de moi, et s'en allant dans la chambre de la reine-mère, il lui fit sa cour à mes dépens. Aussitôt tout le monde accourut pour me voir, et voiant que j'avais aprêté manière de rire, j'en aurois ri, tout le premier, s'il m'avoit été permis d'ouvrir la bouche. Cette aventure fut le sujet de l'entretien de toute la cour, pendant plus de huit jours, et on le manda même à Nantes, où le roi étoit, qui pour être si sérieux ne put s'empêcher de rire. Pour moi, j'en avois tout autant d'envie que les autres quand je pensois à cet accident, mais quoi que je m'étuvasse la bouche d'eau fraîche, et tantôt de vin tiède, il n'y eut que le temps qui m'aporta du soulagement.»
[31] Portrait exact de Mme de Pompadour.
[32] Ce vêtement couvre trop le nu, il faut l'échancrer davantage.
Pygmalion, scène lyrique. J. J.
[33] Quant aux jeunes vierges à qui la décence interdit le secours d'une main caressante, il est un moyen qu'elles pourront employer sous l'œil d'une mère flattée d'ajouter à leurs perfections, sans admettre un tiers dans leur confidence; le voici: appliquez sur la place de la gorge un hémisphère en bois léger et creux ou en gomme élastique et percé à son milieu, à peu près comme les ventouses de verre, dont se servent les jeunes accouchées pour aspirer le lait; à l'orifice s'adapterait un tube de verre ou un tuyau de gomme élastique, au moyen duquel une succion plusieurs fois répétée, chaque jour, finirait par développer l'attrait tant souhaité.
Note du manuscrit.
Un de nos amis qui, dans son voyage en Égypte, a su à la fois faire des observations sur l'art de guérir et sur les mœurs, nous assure que les femmes de ce pays se servent, avec succès, pour la même intention, de la mie d'un pain arrondi, façonnée au contour de la forme que l'on désire, et appliquée encore chaude sur le sein. Cette substance, dit ce savant que réclame avec honneur la chirurgie française, porte en elle un principe végéto-animal, qui, développé par le calorique, pénètre rapidement le sein, excite l'érection de ses papilles nerveuses, gonfle le système glanduleux, et y cause un ferment, un prurit voluptueux, bientôt suivis du développement successif de l'appareil mammaire et du tissu cellulaire qui le recouvre. C'est ce même principe vireux qui agit si énergiquement comme dérivatif de l'humeur goutteuse aux extrémités inférieures, en appliquant du levain à la plante des pieds. On pourrait activer ce moyen par de légères frictions d'huile très-volatile sur le sein, et d'une lotion astringente sur les parties qui l'environnent; au reste, le volupté fait éclore la gorge, comme le printemps fait éclore la rose, et tous les praticiens connaissent la correspondance de l'utérus au sein.
[34] La belle Pompadour suivit le conseil du jeune docteur,
elle acquit en effet l'attrait qui manquait seul à ses charmes, et
ouvrit, par reconnaissance, à son médecin une carrière qu'il parcourut
avec éclat.
Si l'on trouve ce fragment un peu libre, accusons-en plutôt nos mœurs
que l'auteur qui vivait dans un temps où le Français se scandalisait
plus des actions que des écrits; il pense maintenant tout le contraire,
et l'on ferait aujourd'hui le procès de Vénette, Tissot et
Montesquieu s'ils publiaient l'Onanisme, le Tableau de l'amour
conjugal et le Temple de Gnide; en sommes-nous plus chastes et plus
vertueux? l'interprétation que l'on donnera à cet article répondra à
cette question. Au surplus, nous protestons de la pureté de nos motifs,
et nous n'avons point écrit pour les Tartuffes de mœurs, mais pour
cette belle moitié du genre humain qui ne connaît de mal que celui que
les pervers lui enseignent.